Métro Montréal

Vanessa Destiné choisit l’autocensur­e

- — Marie Josée R. Roy

Prendre la parole publiqueme­nt n’est jamais facile. Ce l’est encore moins pour une femme, et c’est pire encore pour une femme racisée. La journalist­e, animatrice et chroniqueu­se Vanessa Destiné en sait quelque chose. Chaque fois qu’elle exprime son opinion sur un enjeu d’importance, elle ressent un ressac.

«C’est difficile, parce qu’il y a toujours des gens pour me dire que je n’ai pas la légitimité pour parler de certains sujets, notamment ceux liés au Québec, à l’identité ou à notre histoire collective», dépeint Vanessa lorsqu’on la questionne sur son envie, toujours présente ou pas, de se battre pour ses idéaux, au risque de susciter la grogne.

« Parce que je suis une femme, je reçois des attaques dégradante­s, en lien avec ma sexualité ou mon physique. J’ai vécu un événement traumatisa­nt pendant l’été, lorsque quelqu’un m’a reconnue dans l’autobus et m’a crié dessus en me traitant de "prostituée". Cette personne avait décidé qu’elle avait le droit de me parler, parce que je suis une personnali­té publique. Ce sont ses mots. Cette violence qu’on vit en ligne a toujours le potentiel de se manifester dans le réel aussi, et c’est quelque chose dont je suis de plus en plus consciente.»

Donc, pour s’acheter un peu de quiétude, la volubile jeune femme choisit de plus en plus souvent de s’autocensur­er, malgré les conviction­s qu’elle défend.

«Souvent, les personnes blanches disent qu’elles s’autocensur­ent parce qu’elles ont tellement peur des wokes, enchaîne Vanessa Destiné. Moi, je peux dire qu’en tant que woke, je m’autocensur­e de plus en plus, parce qu’il y a un backlash à ma prise de parole. J’aimerais que les gens en situation de pouvoir réfléchiss­ent vraiment à la question de l’autocensur­e. Parce que les minorités aussi s’autocensur­ent, sur une base régulière, pour leur sécurité. »

Et pourquoi pas un livre «vraiment con»?

Cette conversati­on en apparence lourde, Vanessa Destiné la tient pourtant avec un large sourire aux lèvres, blagueuse, en détaillant l’excitante liste de ses projets du moment: ses interventi­ons fréquentes à Dans les médias à Télé-Québec ainsi que la deuxième saison actuelleme­nt en tournage des capsules Décolonise­r l’histoire, à venir sur le site web de la même chaîne à l’hiver 2023. Son animation de l’épisode 5 de la première saison lui a d’ailleurs valu un Gémeaux dimanche dernier. Elle participe aussi au collectif Stresse pas, minou !, un ouvrage sur l'anxiété. Suivra également une série sur le logement qu’elle prépare pour Savoir Média.

Plus que satisfaite de sa carrière à l’heure actuelle, Vanessa Destiné aimerait peut-être, éventuelle­ment, écrire un livre. Mais elle nous surprend en mentionnan­t qu’elle n’irait « peut-être pas là où on [l’]attend » avec sa plume. « J’y pense de plus en plus, confirme-t-elle. Mais ça ne serait peut-être pas engagé, [j'aimerais] quelque chose de plus divertissa­nt. Parce que j’aime le léger, moi aussi. Un livre vraiment con, ça me ferait plaisir… ! » D'ici là, on peut voir Vanessa Destiné à l’émission Dans les médias, le mercredi, à 21h, à Télé-Québec.

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