Métro Montréal

Canal Famille, la nostalgie sans lunettes roses

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Si vous avez grandi au Québec dans les années 90, Canal Famille évoque probableme­nt de tendres souvenirs. C’est du moins le cas pour Guy A. StCyr et Simon Portelance, les auteurs de Génération Canal Famille.

Constance Cazzaniga ccazzaniga@metromedia.ca

Le livre, paru chez Québec Amérique, est une véritable bible de la chaîne qui a produit 52 émissions jeunesse originales, de 1988 à 2001. S’il évoque bien sûr la nostalgie, il revient sur ces années marquantes avec sincérité, soulevant aussi les failles du poste pour enfants.

« Ce n’est pas une nostalgie aveugle, précise en effet Simon, qui fait partie du collectif d’humour Les Piles-Poils. Il y a des émissions de Canal Famille qui ont moins bien marché. Même dans les émissions qui ont bien marché, il y avait des points faibles et on est capable de le dire. »

Retour dans le temps

Les deux auteurs, qui étaient eux-mêmes enfants à l’époque de Canal Famille, n’avaient pas envie de faire semblant que tout était parfait. Heureuseme­nt, la vaste majorité des 250 personnes interviewé­es pour l’ouvrage étaient sur la même longueur d’onde.

Ainsi, en parcourant les quelque 350 pages de l’ouvrage, on tombe sur des anecdotes qui en témoignent. Pensons à la distributi­on de Chat Boume qui crevait de chaleur dans les costumes, au point où les prothèses décollaien­t !

Dans cet esprit de «nostalgie réaliste», les auteurs et leurs intervenan­t.e.s n’hésitent pas à avouer que toutes les production­s n’ont pas connu le même succès que Radio Enfer ou Les intrépides.

C’est le cas, par exemple, de l’émission plus ou moins oubliée Livrofolie. « C’était une émission littéraire, rappelle Guy A. St-Cyr. Ça peut avoir l’air sec, ça peut avoir l’air très beige… et par bouts, ce l’est. Pour un enfant, c’est un peu trop adulte, mais c’est trop enfantin pour un adulte. »

Il n’y a pas que des production­s qui sont tombées dans les oubliettes. Si Canal Famille a contribué à faire connaître Élyse Marquis, Christian Bégin, Bruno Blanchet ou encore Claude Legault, d’autres personnali­tés sont passées à autre chose depuis et ont été plus difficiles à retracer.

Pas étonnant, donc, que Guy et Simon aient passé trois ans à travailler sur le livre. Tels des recherchis­tes de Deuxième chance, ils ont entre autres su retrouver Liliane Karam de L’Îlot de Lili et Pierrette Boucher de Dis-moi Lou.

Des artistes enthousias­tes

Les auteurs du livre ont été accueillis avec enthousias­me par les artistes et artisans de la chaîne.

« C’était revenir aux sources, à un moment où ils devaient encore prouver qu’ils avaient leur place », croit Simon Portelance.

En fait, les personnali­tés ont été si généreuses que Guy et Simon ont dû choisir de taire certaines des histoires qu’elles leur ont racontées. « Les émissions jeunesse, ça fait aller dans un extrême enfantin. Il faut le relâcher », indique Guy A. St-Cyr.

Au-delà de ce que les comédien.ne.s pouvaient bien faire avec des marionnett­es entre deux prises, les auteurs ont reçu des confidence­s inédites.

Par exemple, Bruno Blanchet leur a admis s’être senti inférieur à côté de son collègue du Studio, Guy Jodoin, qui avait déjà de l’expérience comme acteur. «Il s’est confié devant Guy Jodoin, qui n’avait jamais entendu parler de ça, se souvient Simon. Nous, on était là ! C’est un moment vraiment fantastiqu­e qu’on a eu la chance de vivre. »

Investir en jeunesse

C’est en changeant de poste pour arriver à Canal Famille que Guy a appris à compter, tandis que Simon a fait des cauchemars récurrents à cause d’Enfanforme.

Aujourd’hui, ils sont tous les deux de grands consommate­urs de culture québécoise et déplorent le fait que les plus jeunes n’auront pas ce même attachemen­t.

« Depuis 10 ou 15 ans, il y a eu une grosse drop de production d’émissions jeunesse au Québec. On le voit que les ados n’écoutent pas de production­s québécoise­s et c’est un cercle vicieux», se désole Simon Portelance, qui estime, tout comme son collègue, qu’il faut arriver avec des propositio­ns audacieuse­s pour les enfants et les ados.

«Si on délaisse les jeunes culturelle­ment, on ne peut pas aller les récupérer plus tard, croit Guy A. St-Cyr. Il faut qu’on ose des blagues et des thématique­s qui peuvent être choquantes pour certains adultes, mais que les jeunes vont apprécier. Et les vedettes qu’ils vont découvrir en tant qu’enfants, ce sont des comédiens qui vont évoluer avec eux et qu’ils vont vouloir suivre, comme nous on a eu Élyse Marquis, Christian Bégin, Claude Legault… »

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