Guillaume Lambert, saltimbanque tragicomique
Si la carrière de Guillaume Lambert a été propulsée par la comédie à sketchs Like-moi ! , on lui découvre depuis une profondeur qu’il sait lier à son humour champ gauche. La plus récente pièce à conviction ? Son deuxième roman, , paru la semaine dernière
(l’effondrement)
En un an, Guillaume Lambert a coécrit la série Audrey est revenue, réalisé le film Niagara, sorti de nouveaux épisodes de son balado C’est quoi les chances ? , coanimé Avec ou sans cash et joué dans Les mecs, L’échappée ainsi que La confrérie, récoltant de surcroît son premier prix Gémeaux d’interprétation pour le rôle de Bruno Brodeur dans cette dernière série.
« Tout ça est un geste d’écriture : le jeu, la réalisation, le montage. C’est une prise de parole.Lepostem’importepeu»,réfléchit-il tout haut sous quelques notes de jazz dans un café bruyant du Mile End, en entrevue avec Métro.
Eschatologie
Comme une carte postale au futur
Prendre parole, documenter, envoyer une carte postale aux prochaines générations. C’est exactement ce qui a poussé l’autoproclamé saltimbanque à écrire un deuxième livre, alors que ce n’était pas dans les plans.
« Pendant la pandémie, quand je me suis retrouvé à la maison, ça me semblait intéressant d’imaginer le narrateur anonyme de Satyriasis sept ans plus tard et de peut-être commencer quelque chose comme un triptyque », explique Guillaume.
Dans son premier roman, Satyriasis (mes années romantiques) , l’auteur reprenait les codes du journal intime pour raconter l’histoire d’un jeune homme en profonde peine
« J’aime les choses très drôles, mais aussi les choses très tristes.
Je n’ai pas peur de mes émotions, mais je n’ai pas peur du ridicule non plus. »
GUILLAUME LAMBERT
d’amour qui cultivait une obsession pour son ancienne flamme, zieutant constamment ses réseaux sociaux et ceux du nouveau chum de son ex-idylle.
C’est avec cette même approche intimiste que Guillaume Lambert conduit son personnage en perte de repères dans Eschatologie. Déconnecté de ses émotions, le narrateur anonyme se retrouve enfermé chez lui, alors qu’il avait l’habitude de voyager pour un travail qu’il n’a plus depuis qu’une pandémie a bousculé le monde.
L’inquiétude de l’auteur – inquiétude qui l’a même fait hésiter à sortir son roman – était que le livre vieillisse mal. Il a finalement chassé son tracas en se disant que si ça arrivait, ça voudrait seulement dire que l’oeuvre était de son époque.
« J’avais besoin d’un marqueur de temps. C’était comme une carte postale que j’envoyais dans le futur pour dire: voici comment c’était. »
Oser le risque
Écrire de la fiction au je vient avec ce risque qu’on nous confonde avec le personnage.
Et si cet homme sans nom, qui vit pour son travail, qui cultive son célibat, qui passe plus de temps dans les avions que chez lui était l’auteur lui-même ?
«Tout ce qu’on écrit, c’est un peu nous, répond Guillaume. Je dis que je suis avant tout un acteur et je me suis mis dans la peau de ce personnage-là pour mieux l’écrire. L’identification est super grande, mais est-ce que c’est vrai ? Est-ce que c’est faux? Je trouve que ça crée un suspense, une tension avec le lecteur. Écrire au je, ça demande une espèce de courage. »
S’il écrit au je, c’est en effet pour que ses lecteur.trice.s s’identifient entre autres à la pensée «parfois perverse» de son personnage. Et c’est efficace, parce que le cynisme du narrateur anonyme nous confronte au nôtre.
Aigre-doux
On voit de plus en plus de ponts se dresser entre les différentes oeuvres de Guillaume Lambert. La sexualité entre hommes, qui prend une place prépondérante dans ses livres ainsi que dans sa websérie L’âge adulte, par exemple. Les noms absurdes, comme Lucille-Maude ou Penelope P., à prononcer à l’anglaise. Les faits divers cocasses, aussi, qui alimentent son balado et qui ont nourri l’inspiration de son film, dans lequel un homme meurt du ice bucket challenge. Et le deuil, qui transcende tous ces récits.
«Le deuil de ce que je ne suis pas, le deuil de ce que je ne ferai jamais, le deuil littéralement d’un individu, le deuil de la famille parfaite, le deuil d’une époque... Je parle beaucoup de laisser des choses derrière pour regarder vers le futur», réalise Guillaume Lambert.
Comme quoi, on a peut-être apposé trop tôt à Guillaume l’étiquette de gars comique. Non seulement il n’aime pas les étiquettes, préférant s’affirmer comme être pluriel, mais en plus, c’est dans la dualité qu’il excelle.
C’est par ce ton tragicomique qu’il peut aborder de grands drames avec humour, un terrain miné pour d’autres bien que riche pour lui. On dit tragicomique, mais Guillaume, lui, préfère dire «aigre-doux». Pour lui, ça évoque «le petit cup de sauce chez Saint-Hubert », comme quoi le gars drôle ne reste jamais bien loin.