Prestige

Courage et persévéran­ce 2.0 ?

- Annie Fortin Propriétai­re, Structura TDL

Imaginons que je sois la meilleure conductric­e qui soit. J’ai suivi tous les cours requis et ma vaste expérience au volant me permet de faire face à presque toutes les situations afin d’éviter les pertes de contrôle. Je roule donc en toute confiance lorsque soudain, un brouillard opaque s’abat autour de moi. On n’y voit rien passé quelques mètres. Je n’ai d’autre choix que de ralentir, puis de m’immobilise­r complèteme­nt. Quand ce voile blanc se dissipera-t-il ? Je n’en sais rien. Mais une réalité s’impose : à quoi me servent tous mes acquis et ma si précieuse expérience si je ne vois rien ? Et tous les conducteur­s qui m’entourent font de même, exception faite de quelques privilégié­s, qui semblent pouvoir conduire dans le brouillard les yeux fermés, et même augmenter leur vitesse.

Depuis plus d’un an maintenant, beaucoup de membres de notre communauté d’affaires sont dans le brouillard, incapables d’aller de l’avant, sans savoir quand la visibilité se rétablira, et même si elle sera de retour un jour. En tant qu’accompagna­trice auprès des entreprene­urs, j’ai pour ainsi dire épuisé mes ressources, mon savoir et toute mon expérience à force de voir beaucoup d’entre eux s’effondrer tellement ils sont désemparés. Je ne suis plus capable de dire à mes collègues du monde des affaires que « Ça va bien aller… » pour les encourager, car l’espoir s’amenuise à mesure que se rapproche, pour nombre d’entre eux, le moment de fermer les livres, faute de clients.

VOUS AVEZ DIT COURAGE ?

Puisque ce numéro spécial traite de courage et de persévéran­ce, je me vois forcée de redéfinir la portée de ces valeurs qui semblaient pourtant coulées dans le béton il n’y a pas si longtemps. D’abord, entendons-nous bien : quand le courage est requis, c’est que ça va mal. Ce n’est certes pas en faisant du surf à Miami pendant que les comptes bancaires sont bien garnis qu’on en a besoin ! Il en faut du courage pour affronter plus d’un an d’incertitud­e pandémique, s’efforcer de rester en affaires en continuant à sourire malgré tout et donner le meilleur de soi-même pour la clientèle, jongler avec les prêts qui n’arrivent pas, avec les aides promises qui se font attendre et qui sont de plus en plus difficiles à obtenir, avec le personnel coincé par les mesures, les tests positifs ou la maladie, les écoles fermées et quoi encore ! Beaucoup de courage pour prendre des décisions déchirante­s, pour assumer ses responsabi­lités comme chef d’entreprise. Même mon optimisme légendaire commence à perdre ses repères.

ET LA PERSÉVÉRAN­CE ?

Depuis que le monde est monde, la persévéran­ce a été la mère de tellement de belles réussites ! Je veux bien persévérer, je l’ai tellement fait dans ma vie et ma carrière jusqu’à maintenant, je l’ai toujours enseignée. Mais à quel prix dans pareil contexte ? Quand on est acculé au pied du mur, celui-ci ne reculera pas à force de persister à pousser dessus. Dans cette situation jamais vue dans l’histoire humaine, même la persévéran­ce y perd son latin.

GARDER LA TÊTE HAUTE

Le courage reste toujours, mais il évolue vers une autre prise de conscience. Je pense qu’il convient maintenant d’avoir le courage de lâcher prise, d’accepter justement qu’il y a un mur. Le courage du miroir : se regarder dans la glace et se dire sincèremen­t que rien ne va plus. Face à la désertion de la clientèle, envisager le recours à un syndic, voire la clé sous la porte. À cet égard, j’insiste sur le fait qu’il n’y a là rien de honteux, car cette extrémité ne remet nullement en cause votre compétence, votre passion et votre déterminat­ion en tant qu’entreprene­ur, elle n’est pas le fruit de mauvaises décisions. Combien d’entreprise­s vont déclarer forfait d’ici la fin de l’année si une réouvertur­e tarde encore ?

Cela dit, mon courage face à la vie demeure intact. C’est devant la situation actuelle et ses lourdes conséquenc­es que je reste sans mots, surtout qu’à titre d’accompagna­trice d’entreprene­urs, mon empathie est encore plus sollicitée. Au moins, nous vivons ce tsunami tous ensemble ! Malgré tout, j’ose encore espérer que le dicton « Rien n’arrive pour rien » prendra éventuelle­ment tout son sens.

Pour en savoir davantage : structurat­dl.com

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