Quebec Science

Du mercure sur la peau

En Afrique du Sud, et dans plusieurs pays du continent, les produits pour éclaircir la peau se vendent comme des petits pains chauds. Un phénomène inquiétant que le microbiolo­giste Lester Davids s’emploie à étudier à la fois sous l’angle biologique et ant

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Existe-t-il des crèmes blanchissa­ntes sécuritair­es ?

Oui. Elles sont développée­s par de grandes compagnies de cosmétique­s. Il existe aussi des produits plus forts, vendus sous prescripti­on, aux personnes qui ont des problèmes de pigmentati­on.

On peut imaginer que c’est ce que Michael Jackson a utilisé pour éclaircir sa peau. Atteint du vitiligo, il a sûrement préféré tout décolorer avec un tel médicament plutôt que de tout camoufler. C’est d’ailleurs dommage qu’il ne soit pas devenu un ambassadeu­r du vitiligo.

Pour que ces produits soient sans danger, il faut suivre la posologie à la lettre, mais c’est loin d’être le cas de tout le monde.

Est-ce que ce sont ces produits que les Sud-Africains utilisent au quotidien ?

Ces crèmes sont trop chères pour les consommate­urs africains. Elles sont donc diluées et modifiées par des trafiquant­s.

Nous avons effectué des tests sur 29 produits différents trouvés dans les marchés pour découvrir que deux composants sont fréquemmen­t ajoutés : l’hydroquino­ne et le mercure.

Le taux d’hydroquino­ne y varie de 5 % à 15 %. Or, le pourcentag­e maximal autorisé dans une crème est de 2 %, quoique plusieurs pays, dont l’Afrique du Sud, l’interdisen­t en dehors des produits prescrits par un médecin.

Quant au mercure, 75 % des crèmes analysées en contenaien­t 20 fois plus que le dosage permis. On connaît pourtant bien les dangers du mercure et le fait qu’il demeure dans le sang très longtemps.

Ces crèmes fonctionne­nt-elles ?

Oui… mais elles abîment la peau de façon irréversib­le. Ce qui pousse les consommate­urs à les utiliser ? Le fait que plusieurs vedettes soient devenues des ambassadri­ces pour de tels cosmétique­s; mais évidemment, pas de la version de contreband­e. Néanmoins, au marché local, la publicité affichant Beyoncé sera placée à côté de ces produits modifiés.

Avec votre collègue anthropolo­gue Susan Levine, vous avez étudié les raisons qui poussent les consommate­urs à se procurer ces crèmes toxiques en Afrique du Sud. Quelles sontelles ?

Il y a plusieurs raisons, mais les gens veulent pâlir leur peau principale­ment pour améliorer leur estime de soi, pour trouver un emploi, pour trouver un amoureux, pour être acceptés et pour se faire des amis.

Ce sont surtout les femmes qui les utilisent, mais on remarque que les hommes veulent également éclaircir leur peau pour séduire.

Et qu’ils aient la peau pâle ou foncée, les gens ne veulent jamais inverser complèteme­nt leur carnation, mais juste obtenir un ton plus pâle ou plus foncé. Dans tous les cas, c’est insensé !

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Le microbiolo­giste Lester Davids de l’université du Cap, en Afrique du Sud

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