Quebec Science

Qui a peur des baby-boomers ?

L’arrivée massive à la retraite des baby-boomers inquiète les États déjà endettés. Quelles en seront les répercussi­ons sur l’économie ?

- Par Anabel Cossette Civitella

N és entre 1945 et 1960, les baby-boomers sont devenus des « papy-boomers », en droit de prendre une retraite bien méritée. Mais ces départs massifs de la vie active font craindre le pire : retrait des fonds de pension, perturbati­on des marchés et, à long terme, manque d’argent pour répondre aux besoins de la population vieillissa­nte.

Pour y faire face, le Canada projette de dépenser 108 milliards de dollars dans son programme de Sécurité de la vieillesse, le régime de retraite le plus important du gouverneme­nt, en 2030. Une augmentati­on de 70 milliards de dollars par rapport à 2010, dont 41 % sont attribuabl­es à la retraite des baby-boomers.

Si le Canada devait sortir indemne de cette dépense supplément­aire, prédit Vincent Morin, directeur du départemen­t des sciences économique­s et administra­tives de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), ce n’est pas le cas de tous les pays. En Europe, notamment, les régimes de retraite sont une véritable bombe à retardemen­t pour l’économie.

« Les experts craignent que les déficits liés ndà plusieurs régimes publics, surtout ceux qui ne sont pas capitalisé­s [NDLR, payés à même les impôts des travailleu­rs], entraînent de nombreux pays dans une spirale d’endettemen­t qui les mènerait à une situation de défaut de paiement », dit le professeur de finances.

Si de nombreux États peinent à rembourser leurs dettes, leurs taux d’emprunt pourraient grimper en flèche, menant à une crise de confiance. Et qui dit crise de confiance dit crise financière : « Si les prêteurs n’ont plus confiance dans le fait que les pays vont les rembourser, alors le mouvement de panique est lancé. On n’a qu’à penser à la Grèce, illustre Vincent Morin. Personne ne veut prêter à des gens en difficulté ! »

Qui plus est, dans quelques années, quand les REER et les fonds de pension des baby-boomers seront décaissés, il y aura de moins en moins d’argent à investir, explique-t-il.

« Quand les régimes de retraite ont commencé dans les années 1960-1970, on a donné des rentes généreuses à des gens qui n’avaient jamais cotisé. Ce système était basé sur le fait qu’il y avait de nombreux travailleu­rs et peu de retraités. Aujourd’hui, on se retrouve dans la situation inverse », dit Vincent Morin.

Cette pyramide démographi­que renversée a été anticipée dès les années 1980. Les États ont donc ajusté à la hausse les cotisation­s des travailleu­rs. Ce qui était imprévisib­le, en revanche, c’était la baisse historique des taux d’intérêt qui empêche désormais l’épargne de fructifier, relève Vincent Morin : « Il aurait fallu être alarmiste en 1990 pour prévoir les taux de 4 % qu’on observe aujourd’hui. » Sorties d’impass e Pour contrer la pénurie de travailleu­rs, de nombreux pays se tournent vers l’immigratio­n, alors que d’autres pensent augmenter les taxes. Il faut plutôt forcer les gens à se prendre en main en mettant de l’argent de côté, croit Vincent Morin. « Je conseille à mes étudiants de ne pas compter sur le gouverneme­nt. »

Il suggère également la mise en place de mesures incitant les aînés à rester sur le marché du travail. Après tout, ils sont plus en forme que la génération précédente. « Aujourd’hui, certaines personnes âgées de 70 ans font des marathons ! » souligne-t-il. En échange de quelques années de service supplément­aires, on leur offrirait une retraite plus généreuse.

« Ce qui est sûr, c’est que le discours devra changer. Le travail et l’expérience devront être encouragés » , affirme Vincent Morin.

À l’opposé, il serait possible de pénaliser les retraites hâtives. « Mais ça, ce n’est pas facile à faire, sur le plan politique », admet-il. Car les baby-boomers restent encore des électeurs influents.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada