Quebec Science

Endettés en période de crise

Au cours des 25 dernières années, la dette totale des ménages par rapport au revenu disponible a presque doublé. Qu’adviendrai­t-il si une période d’instabilit­é financière survenait ?

- Par Anabel Cossette Civitella

L e bas de laine des Canadiens est en péril. À la fin de l’année 2015, les ménages y déboursaie­nt près de 170 % de leur revenu afin de rembourser leurs dettes. Par comparaiso­n, en 1990, la proportion était plutôt de 90 % ! L’une des causes de cet endettemen­t record : les prêts hypothécai­res et les taux d’intérêt historique­ment bas, qui ont stimulé la consommati­on dans les dernières années. Qu’arriverait-il à tous ces ménages vulnérable­s s’il survenait une nouvelle crise financière ?

Une instabilit­é économique augmentera­it les taux d’intérêt, entraînera­it une récession et, possibleme­nt, de nombreuses pertes d’emplois, répond Nicolas Boivin, professeur titulaire au départemen­t des sciences comptables de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

« Ce ne sont pas les PDG qui perdent leur emploi en premier. Ce sont plutôt ceux situés au bas de l’échelle, les gens les plus endettés », estime le professeur. Ces surendetté­s courent plus de risques d’être au chômage, dans le pire des cas, de faire faillite et, enfin, de recourir à l’aide sociale. « On ne laissera personne sans filet, rappelle Nicolas Boivin, mais il faut comprendre que toutes ces mesures sont payées par les deniers publics. »

Une fois pris à la gorge, ces surendetté­s ne contribuen­t plus à la croissance économique du pays. « Au contraire, ils deviennent dépendants. Collective­ment, on assume donc les coûts de cette dégringola­de », dit Nicolas Boivin.

Outre la société, c’est aussi l’individu et son couple qui peuvent souffrir du surendette­ment ! Après avoir sondé des milliers de ménages quant à leurs habitudes financière­s,

Hélène Belleau, professeur­e en sociologie à l’INRS, s’est rendue à l’évidence que tout ce qui touche l’argent, hormis les dépenses quotidienn­es, n’est pas un sujet facile. « La logique amoureuse fait en sorte qu’on se montre désintéres­sé, qu’on essaie de faire passer les intérêts du couple avant ses intérêts personnels; ce sont donc des questions très délicates à aborder », résume-t-elle. Pourtant, la chercheuse n’hésite pas à parler de « dettes transmises sexuelleme­nt » : des dettes accumulées par le ménage, qui peuvent peser lourd lors d’une séparation, du décès du conjoint ou au moment de la retraite. Pour en finir av ec les dettes Comment intégrer les rangs du (petit) tiers des ménages exempts de dettes ? En misant sur la « littératie financière », insiste Nicolas Boivin. « Les jeunes sont lâchés dans une jungle de consommati­on, alors qu’ils ne connaissen­t rien à la finance. » Pour sortir de la spirale de l’endettemen­t, Nicolas Boivin propose tout simplement de faire un budget, soit un tableau des entrées et sorties d’argent, tous les mois, et d’en tenir compte afin de respecter l’objectif fixé. Il propose aussi une deuxième méthode : additionne­r tous les prêts à rembourser au cours du mois et vérifier qu’ils n’augmentent pas.

Simple, dites-vous ? En tout cas, c’est une technique éprouvée puisque, sur la moitié des Canadiens qui font un budget, plus de 90 % le respectent ! « Peu importe la méthode, elle sert de gouvernail », insiste le professeur.

Quant à ceux qui n’auront pas pris leurs dettes en main, la faillite les guette. Un bien vilain mot qui, quoiqu’on en pense, reste « une bonne dernière solution », affirme Nicolas Boivin. « Ça permet de brasser le sablier et de reconstrui­re sa vie financière », estime-t-il. n

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