Quebec Science

MANIPULATE­URS DE CLIMAT

Des ingénieurs de Harvard veulent bloquer artificiel­lement les rayons du Soleil afin d’abaisser la températur­e. Une initiative qui en fait sourciller plus d’un.

- Par Laurie Noreau

Des ingénieurs de Harvard veulent bloquer artificiel­lement les rayons du Soleil afin d’abaisser la températur­e.

Le ciel de l’Arizona deviendra le nouveau laboratoir­e de l’université Harvard. D’ici quelques mois, des chercheurs relâcheron­t des particules de glace et de carbonate de calcium dans la stratosphè­re. Leur objectif : créer un écran qui réfléchira les rayons du Soleil et ainsi freiner le réchauffem­ent climatique. L’essai coûtera la bagatelle de 20 millions de dollars.

Cette expérience relève de la géoingénie­rie, une discipline où les scientifiq­ues cherchent à manipuler le climat. Selon eux, le passé serait garant de l’avenir. L’histoire a démontré que les éruptions volcanique­s, en relâchant des millions de tonnes de particules, abaissaien­t la températur­e du globe; parfois de façon dramatique. En 1815, l’éruption du mont Tambora avait privé l’Europe tout entière d’un été, nuisant aux récoltes et entraînant la famine.

Bien que les géoingénie­urs soient animés de bonnes intentions, pourraient-ils provoquer un tel cataclysme? En 2014, le Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat lançait un avertissem­ent: la géoingénie­rie « pourrait être mise en oeuvre rapidement advenant une situation d’urgence climatique », mais il ne faut pas négliger ses impacts potentiels à l’échelle planétaire. Des sécheresse­s au sud, des inondation­s à l’ouest : des dérèglemen­ts climatique­s très variables sont à prévoir d’une région à l’autre.

Frank Keutsch, professeur des sciences atmosphéri­ques à Harvard et directeur de l’expérience, en est bien conscient: « On aimerait mieux ne pas avoir à utiliser cette solution, mais si nous en avons besoin un jour, il est préférable que la technologi­e soit testée et prête à être utilisée », soutient-il.

Car pour l’instant, les données sont rares. « C’est une idée encore trop peu documentée pour être qualifiée de réaliste », avance Claude Villeneuve, directeur de la Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi.

Pourtant, l’idée circule depuis plus d'un demi-siècle. En 1965, le président américain Lyndon B. Johnson avait évoqué la possibilit­é de propulser des tonnes de particules au- dessus des océans pour réfléchir les rayons du soleil. Barack Obama avait aussi inclus la géoingénie­rie dans sa stratégie pour contrer les changement­s climatique­s.

Même son successeur Donald Trump y voit du bon. Comme d'autres politicien­s climatosce­ptiques, il perçoit la géoingé-

nierie comme une panacée qui lui évite d’investir dans des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Claude Villeneuve réfute cette pensée de la solution unique. « C’est une solution palliative et non curative, prévient-il. Un écran qui diminue l’incidence du rayonnemen­t solaire ne réduit pas la concentrat­ion de CO dans l’atmosphère. On ne s’attaque pas au problème, on contrôle le symptôme. »

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