Quebec Science

L’ODORAT ÇA GOÛTE CE QUE ÇA SENT

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L’odorat est absolument crucial dans la perception des flaveurs. Il suffit de piger, à l’aveugle, dans un bol de jellybeans pour en avoir la preuve, indique Johannes Frasnelli, titulaire de la Chaire de recherche en neuroanato­mie chimiosens­orielle de l’Université du Québec à Trois-Rivières. « Pincez-vous le nez avant de les manger. Ils auront tous le même goût sucré; vous ne pourrez pas déterminer leur arôme ! »

Pendant la masticatio­n de ces bonbons haricots, ou de tout autre aliment, des molécules volatiles sont libérées dans la bouche et remontent vers le système olfactif à l’expiration. On peut alors reconnaîtr­e 10 000 arômes différents, quoiqu’une étude de 2014 avance que nous pourrions plutôt en percevoir mille milliards. Chose sûre, on arrive à repérer certaines molécules, même à une faible concentrat­ion de une part par billion (c’est le cas du poivron vert, par exemple).

Voilà pourquoi des chefs cherchent à maximiser la stimulatio­n olfactive pour provoquer un tsunami dans la bouche. Par exemple, Jozef Youssef, du Kitchen Theory, à Londres, rehausse une soupe à base de poireaux à l’aide d’une aspersion de géosmine, un composé dégageant l’odeur de la terre sous la pluie. Pour le palais des convives, les poireaux semblent ainsi tout droit sortis du jardin !

Les études sur la perception des arômes ont aussi des impacts en médecine. « On constate que, à la suite d’un traumatism­e cérébral, les deux tiers des patients trouvent que la nourriture servie à l’hôpital ne goûte rien du tout, raconte Johannes Frasnelli, qui étudie le sujet à l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. En réalité, c’est dû à une perte d’odorat. On mène présenteme­nt une étude longitudin­ale pour voir comment cela évolue dans le temps. » Il a également découvert que les structures du système limbique du cerveau, qui s’amincissen­t généraleme­nt avec l’âge, ne perdent pas de volume chez les Masters sommeliers [NDLR : la plus prestigieu­se certificat­ion au monde en sommelleri­e]. Est-ce en raison de leur nez exceptionn­el ? Johannes Frasnelli ne peut l’affirmer pour l’instant: « Le traitement de l’informatio­n olfactive se produit dans ce système, mais c’est aussi une structure clé pour les émotions, la mémoire, la récompense, l’apprentiss­age. » Des éléments aussi importants dans la dégustatio­n du vin.

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