LA SOCIÉTÉ UNE QUESTION DE CULTURE ET D’APPRENTISSAGE
Christopher Laurent, un doctorant en anthropologie à l’Université de Montréal, a passé un an dans la région de Kochi, au Japon, connue pour sa culture culinaire très différente du reste du pays. « Les Japonais ne mangent pas beaucoup d’ail, car ils trouvent que ça sent mauvais. Mais dans cette région, les gens le mangent cru ! Pour eux, c’est bon, parce que c’est traditionnel. »
Encore faut-il connaître les coutumes pour les apprécier. Le chercheur a trouvé un plat traditionnel disparu un rouleau à base de haricot appelé mushiyokan et l’a présenté à des jeunes de la région. Surprise! ils ne l’ont pas aimé ! « Ils ne comprenaient pas le plat, raconte-t-il. Était-ce une entrée, un dessert ? Ils n’avaient pas de points de repère. »
Ses recherches rejoignent celles de Gordon Shepherd, créateur du terme « neurogastronomie ». « Les facultés cognitives participent aussi à la construction du goût, explique Christopher Laurent. J’étudie comment le langage, la culture et les expériences culinaires contribuent à créer différentes perceptions. L’exemple le plus flagrant, c’est le vin. Les non-initiés arrivent à identifier certains caractères, mais pas autant que les fins connaisseurs. Cette expérience est gustative; mais linguistique, aussi : il faut avoir les termes appropriés pour arriver à les ressentir. »
À la naissance, nous aimons le sucré et l’umami, très présents dans le lait maternel. Pour tout le reste, on apprend à apprécier les flaveurs au fil de nos expériences. Ces dernières varient en fonction de la culture dans laquelle on baigne. Les Italiens de Sardaigne ont ainsi leur casu marzu, un fromage infesté de larves vivantes qui a de quoi repousser. Les Australiens ont leur ve
gemite, une tartinade brune à base d’extrait de levure, qui écoeure les étrangers. Et les Thaïlandais aiment les plats pimentés bien au-delà du seuil de tolérance de la plupart des touristes…