Faut-il réglementer les plantes « CRISPérisées » ?
Si les plantes modifiées par CRISPR-cas9 restent pour l’instant confinées dans les laboratoires de recherche, les débats autour de leur encadrement font déjà rage. Relèvent-elles, ou non, de la même réglementation que les plantes transgéniques ? Sont-elles exemptes de risques pour l’environnement et la santé des consommateurs ?
« Actuellement, la réglementation est assez disparate au niveau international. Il n’y a pas de consensus », indique France Brunelle, conseillère scientifique aux biotechnologies du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).
Le département américain de l’agriculture (USDA) a toutefois tracé la voie en 2016 en autorisant la commercialisation d’un champignon dont six gènes ont été « éteints » avec CRISPR. L’université de Pennsylvanie, où il a été conçu, a depuis déposé une demande de brevet. Au total, une trentaine de plantes obtenues par les nouvelles techniques de modification du génome ont été acceptées aux États-Unis au cours des cinq dernières années sans avoir à passer par le processus réglementaire que l’USDA impose aux OGM. « Au Canada, c’est du cas par cas », commente France Brunelle, précisant que, récemment, le gouvernement fédéral a autorisé deux variétés de pommes Arctic, dont un gène responsable du brunissement a été éteint (par une technique appelée interférence ARN).
« Les produits alimentaires génétiquement modifiés sont considérés comme des aliments nouveaux aux termes du Règlement sur les aliments et drogues, et ils doivent donc être évalués avant leur introduction sur le marché canadien », nous a précisé Santé Canada. Mais en fait, tout repose sur le degré de « nouveauté », qui laisse une certaine marge d’interprétation. « Si le caractère en question est considéré comme vraiment nouveau, la plante sera soumise à la réglementation », reprend France Brunelle.
L’Europe, dont la réglementation concernant les OGM est très stricte, tarde à prendre une décision. La question est importante, puisque le coût d’une procédure d’acceptation d’OGM atteint généralement plus de 30 millions de dollars, en Europe et en Amérique du Nord.