Quebec Science

Un éventail de méthodes

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Ne sachant pas à quoi ressemble leur proie, les physiciens ont imaginé un éventail de méthodes pour tenter d’apercevoir la matière noire. « Le grand rêve de tout physicien, c’est que les détecteurs souterrain­s et les détecteurs en orbite repèrent des particules identiques de matière noire, et qu’on réussisse en outre à les produire artificiel­lement dans l’accélérate­ur du CERN », explique Alain Bellerive, de l’université Carleton, impliqué dans l’expérience ATLAS au CERN et chercheur au SNOLAB.

Détection directe

C’est la méthode employée au SNOLAB. Pour concevoir des outils permettant une détection directe, on mise sur divers matériaux. D’abord, l’argon ou le xénon liquide, comme dans DEAP ou Xenon1T. «C e sont des gaz nobles, faciles à purifier et qui sont de bons scintillat­eurs [ND LR :qui émettent des photons] », explique Pierre Gorel. Le détecteur PICO, lui, contient un liquide en surchauffe qui entre en ébullition s’il est percuté par une WIM P. Les bulles ainsi créées sont décelées par des caméras et des microphone­s qui enregistre­nt le bruit de la bulle dans le détecteur. Autre technique : les détecteurs « solides », constitués généraleme­nt de germanium à très basse températur­e (expérience­s CDMS et EDELWEISS notamment). Si un noyau de germanium est percuté, l’impact produira de la chaleur (une hausse d’un millionièm­e de degré) et des électrons; un signal faible, mais mesurable.

Détection indirecte

Faute de réussir à « attraper » directemen­t ces particules, certains physiciens tentent de déceler les indices de leur existence. C’est ce qu’on appelle la détection indirecte. Arrimé à la Station spatiale internatio­nale, le spectromèt­re magnétique alpha (AMS) scrute dans ce but les rayons cosmiques, cette pluie de particules venues de l’espace, qui voyagent à des vitesses voisines de celle de la lumière. En 2013, les scientifiq­ues d’AMS annonçaien­t des résultats étonnants. «D ans les rayons cosmiques, ils ont trouvé des électrons, comme partout, mais aussi des positrons qui sont l’antimatièr­e des électrons. C’est très rare, car l’antimatièr­e semble avoir disparu de l’Univers, on ne sait trop pourquoi. Une des hypothèses, c’est que ces positrons pourraient être produits par des particules de matière noire qui s’annihilent entre elles, en produisant un électron et un positron », explique la physicienn­e Pauline Gagnon. Reste à éliminer toutes les autres sources possibles, et à confirmer qu’il y a bien un excès de positrons. « AMS pourrait avoir la réponse d’ici quatre ans », croit-elle.

Création artificiel­le

Dernière option pour voir la matière noire : la créer de toutes pièces. C’est ce qu’on tente de faire au CERN , dans le Grand collisionn­eur de hadrons, le plus puissant accélérate­ur de particules au monde. En faisant s’entrechoqu­er à haute vitesse des faisceaux de protons, les physiciens espèrent générer un « feu d’artifice » de nouvelles particules. Incluant quelques miettes de matière sombre. « Le problème, c’est que, si on en produit, elles vont traverser nos détecteurs sans laisser de traces. Ce qu’on tente de déceler, c’est un déséquilib­re dans nos détecteurs. Lors d’une collision de deux protons, des particules sont éjectées dans toutes les directions. Mais si certaines d’entre elles s’échappent sans laisser de traces, on va voir un déséquilib­re dans la répartitio­n d’énergie, précise Pauline Gagnon. Avec les données obtenues en 2016, rien ne nous a sauté aux yeux. Maintenant, c’est un travail de longue haleine : il faut passer en revue des milliards et des milliards d’événements pour déceler d’éventuelle­s petites anomalies. » Affaire à suivre.

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Spectromèt­re magnétique alpha
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