Est-ce que ce serait vraiment plus sécuritaire ?
Il n’y a qu’à penser à la terrible histoire du pilote suicidaire de Germanwings qui, en 2015, a précipité un avion et ses 150 passagers sur une montagne des Alpes pour se rendre à l’évidence : le pilote est faillible, et souvent à l’origine d’accidents évitables.
En effet, 70 % à 80 % des écrasements d’avion sont attribuables à une erreur humaine (depuis le pilote jusqu’aux mécaniciens, en passant par les opérateurs aériens). Toujours selon le rapport d’UB S, la fatigue de l’équipage serait en cause dans 15 % à 20 % des accidents.
Dans ce cas, les avions autonomes seraient-ils garants d’une sécurité absolue ? L’implication d’une voiture autonome Tesla dans un accident mortel récemment a relancé le débat. Le hic, c’est que les humains semblent – pour l’instant – meilleurs que les machines en cas d’imprévu. « On parle des erreurs humaines, mais il n’est jamais question des centaines d’autres situations où des pilotes ont sauvé des vols en prenant de bonnes décisions », fait remarquer Jean Laroche, directeur de la recherche et du développement au Centre québécois de formation aéronautique (CQFA).
En effet, la technologie actuelle n’est pas encore capable de prendre des décisions par elle-même et nécessite l’intervention du pilote en cas de changement des conditions initiales. Un avion sans pilotes devra donc disposer d’une intelligence artificielle en mesure d’appréhender et de réagir adéquatement à n’importe quel problème rencontré en vol.
« Pour cela il faudrait programmer la machine en enregistrant l’ensemble des scénarios possibles de perturbations en vol et toutes les décisions qui y correspondent, explique David Saussié, professeur au département de génie électrique à Polytechnique Montréal. On est capable de le faire, mais pouvons-nous prouver que ça marchera tout le temps et certifier qu’une intelligence artificielle serait à même de toujours prendre la bonne décision ? » s’interroge-t-il.
Dans le cas d’un avion entièrement automatisé en plein ciel, et confronté à un danger, la seule possibilité d’intervention humaine, s’il y en a une, serait alors faite depuis le sol. «M ais cette personne n’aurait ni la connaissance exacte du contexte, ni la visibilité d’un pilote, ni la sensation que le danger lui arrive personnellement et qu’elle doit sauver sa propre vie. Cela est d’autant plus vrai si l’opérateur au sol doit gérer plusieurs avions en même temps », explique Kathleen L. Mosier, psychologue et ancienne chercheuse à l’université d’État de San Francisco.
Cette spécialiste de l’aviation, qui collabore avec la NASA, est formelle : la capacité humaine de réagir et d’évaluer une situation en cas de danger extrême est supérieure à celle d’une machine seule. Il n’y a qu’à penser au com mandant Sullenberger qui a réussi à se poser sur la rivière Hudson en 2009, au moment de la défaillance des moteurs du vol US Airways 1549. Aucune victime n’a été à déplorer, ce qui n’aurait pas été le cas si le pilote avait rebroussé chemin pour tenter d’atteindre l’aéroport comme lui indiquaient les opérateurs au sol, a révélé l’enquête.
«M ême après avoir pris la décision, la machine n’était pas conçue pour se poser sur la rivière et agissait “contre” le commandant en ne le laissant pas redresser l’avion autant qu’il le souhaitait, ce qui a rendu l’amerrissage plus brusque. Un tel succès aurait été impossible, selon moi, sans la présence d’un pilote à bord », dit Kathleen L. Mosier.