Quebec Science

Antarctiqu­e : du feu sous la glace

- M.C.

On a beau y enregistre­r les températur­es les plus froides du globe, l’Antarctiqu­e est loin d’être un continent figé dans la glace. Sous le socle rocheux sommeille un panache de roches en fusion, remonté des profondeur­s de la Terre, qui influence la glace en surface. C’est ce que révèlent des chercheurs du Jet Propulsion Laboratory, en Californie, qui ont réussi à « deviner » les propriétés de ce point chaud par modélisati­on.

La présence de ce panache n’est pas une surprise. Elle a été proposée il y a 30 ans par des géologues qui tentaient d’expliquer la forme bombée de la région de Marie Byrd, à l’ouest du continent. « Son existence a été confirmée tout récemment par des analyses sismiques. Mais on ne sait pas exactement où il est, ni son ampleur, ni combien de chaleur il dégage », explique Hélène Seroussi, glaciologu­e et première auteure de l’étude.

Pour mieux comprendre l’influence de ce magma souterrain sur la calotte glaciaire, l’équipe a modélisé les flux de chaleur en testant une multitude d’hypothèses quant à leur localisati­on et leur intensité. « On a fait des centaines de simulation­s », indique la chercheuse. Le but : évaluer la quantité d’énergie amenée par le panache en trouvant un modèle qui « colle » aux observatio­ns de surface.

Pour récolter des indices, les chercheurs ont examiné les données du satellite ICESat qui enregistre les variations de hauteur de la calotte. « En Antarctiqu­e, sous la glace, il y a de nombreux lacs, indique la scientifiq­ue. Les 3km ou 4km d’épaisseur exercent une forte pression sur la base de la calotte, à laquelle s’ajoute de la friction, ce qui liquéfie la glace et forme des lacs. Ceux-ci se remplissen­t et se vident de façon cyclique, ce qui cause des oscillatio­ns de la calotte située au-dessus pouvant aller jusqu’à 6 m d’amplitude. » Dans la région de Marie Byrd, les scientifiq­ues ont relevé peu de lacs et peu d’activité hydrologiq­ue sous-glaciaire. Autrement dit, si on trouve peu d’eau fondue, c’est que le feu sous la « marmite » ne chauffe pas tant que ça. « Il fallait modéliser un point chaud produisant une quantité limitée d’eau à la base du glacier. Notre conclusion est que le flux thermique ne peut pas être supérieur à 150 milliwatts par mètre carré », explique la chercheuse.

C’est trois fois plus que dans les zones sans activité volcanique, mais ce n’est rien d’énorme ni d’inquiétant, rassure Hélène Seroussi, contrairem­ent à ce qu’ont affirmé certains médias, alertant sur les dangers d’un possible « supervolca­n ». D’autant que ce point chaud existe depuis 50 millions d’années… « Cela dit, la glace est un fluide comparable à du miel froid, note-t-elle. Dans cette région, elle est plus visqueuse qu’ailleurs, et elle pourrait réagir plus rapidement aux changement­s climatique­s actuels. Le fait de mieux connaître ses propriétés d’écoulement permet d’améliorer les modèles et d’affiner les prévisions. »

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