Plongée dans les neurones
en leur appliquant des décharges électriques, ce qui les force à rétracter leurs branchies de plus en plus efficacement. Il observe que ce réflexe – que l’on peut assimiler à un apprentissage – passe par le renforcement de certaines synapses, ces points de connexions entre les neurones. Autrement dit, le fait de stimuler un neurone à répétition augmente les chances que le neurone voisin « s’allume » de concert, et ce, pendant des semaines. « Certaines connexions sont solidifiées de façon durable. La mémoire est donc le résultat d’une modification de la façon dont les neurones communiquent entre eux », résume Jean-Claude Lacaille, professeur de physiologie à l’Université de Montréal et spécialiste des synapses.
Ces recherches, qui ont valu à Kandel le prix Nobel de médecine en 2000, ont marqué un tournant en démontrant que ce sont les synapses qui constituent le véritable support de la mémoire, l’unité de base. C’est d’ailleurs logique. Puisqu’un neurone humain reçoit de l’information en provenance d’environ 10 000 autres, on estime qu’il y a 10 000 à 100 000 fois plus de synapses dans le cerveau que de neurones… « Imaginez le nombre de permutations possibles ! » s’enthousiasme Jean-Claude Lacaille.
Pour former un souvenir, il faut parfois quelques répétitions (pensez à vos cours de biologie ou à l’apprentissage laborieux d’un poème). Dans d’autres cas, comme lors d’un premier baiser, il suffit d’une fois pour que le lieu, les sensations, les couleurs, les odeurs associés à cet événement Le cerveau humain compte plus de 100 milliards de neurones. Leur rôle peut se résumer simplement : recevoir de l’information d’un côté, en transmettre de l’autre. Ces cellules sont donc constituées d’un « corps » en vague forme d’étoile – dont les multiples branches s’appellent des dendrites, et forment autant de récepteurs – et d’un prolongement appelé axone qui joue le rôle d’émetteur. Les neurones ne se touchent pas; ils sont séparés par des fentes larges de 0,1 micron appelées synapses qui sont les portes d’entrée ou de sortie de l’information. Pour communiquer, les neurones se « lancent » des signaux chimiques, ou neurotransmetteurs, à travers les synapses. Les dendrites réceptionnent ces signaux, les additionnent, les analysent, et décident de générer (ou non) un signal électrique en réponse. Celui-ci se propage le long de l’axone, où il libère des neurotransmetteurs qui sont à leur tour captés par le neurone voisin, et le suivant, et ainsi de suite.
s’inscrivent en vous. Sous un angle moins romantique, le baiser comme le poème ont déclenché l’activation d’un vaste circuit de neurones dans le cerveau. Ceux-ci ont, pendant quelques millisecondes, vibré à l’unisson, suivant une « musicalité » (fréquence, rythme) qui constitue la signature de ce souvenir bien précis. Chaque fois que ce baiser vous revient à l’esprit, ce même groupe de neurones se rallume
comme un seul ! Car le chemin allant de l’un à l’autre s’est renforcé. C’est ce qu’on appelle la « potentialisation à long terme », dont les mécanismes sont encore partiellement incompris (voir l’encadré ci-dessous). Chaque souvenir correspond ainsi à une configuration particulière de quelques milliers de neurones travaillant ensemble, convergeant vers l’hippocampe. « Les détails comme le lieu, les émotions,