Quebec Science

LES PLANTES MISES À NU

Soumettre un iris à un PET scan ou à une résonance magnétique? Des chercheurs le font au nom du progrès de la botanique.

- Par Mélissa Guillemett­e

Qu’arrive-t-il lorsqu’on soumet un iris à une résonance magnétique ?

Contempler les plantes n’est pas qu’un bonheur pour les yeux; c’est également un exercice fort utile auquel les biologiste­s se prêtent avec une panoplie d’outils de plus en plus précis.

Dans les années 1990, la biologie végétale avait pourtant quelque peu mis de côté les microscope­s et l’analyse de la morphologi­e des plantes au profit de techniques beaucoup plus « à la mode » : les outils moléculair­es. « Tout le monde s’est précipité sur les gènes, les protéines, le séquençage, le génome », se rappelle la professeur­e à l’Université McGill Anja Geitman qui avait choisi son domaine d’études après avoir découvert la beauté des plantes à travers un microscope électroniq­ue, à la fin des années 1980.

« Mais on a réalisé qu’un génome ou une séquence d’ADN ne nous disent rien, raconte celle qui est aussi doyenne de la faculté des sciences de l’agricultur­e et de l’environnem­ent. Pour comprendre pourquoi un fruit devient beaucoup plus gros qu’un autre, ou pourquoi il ne développe pas de semences, il faut lier les connaissan­ces moléculair­es avec ce qu’on voit et avec le fonctionne­ment de l’organisme. »

Le retour au microscope a donc été inévitable, vers le début des années 2000, et, depuis, plusieurs méthodes d’imagerie se sont ajoutées à l’arsenal des biologiste­s: résonance magnétique, tomodensit­ométrie, tomographi­e par émission de positrons, imagerie par spectromét­rie de masse ou par fluorescen­ce, pour n’en nommer que quelques-unes. Leurs clichés sont parfois dignes d’une oeuvre d’art.

Grâce à plusieurs de ces avancées, les scientifiq­ues n’ont plus à disséquer les plantes pour les étudier, explique Chithra Karunakara­n, chercheuse au Centre canadien de rayonnemen­t synchrotro­n, à Saskatoon. « Quand on coupe une plante,

on perd de l’informatio­n, explique-t-elle. Même chose si on sort les racines de la terre; l’architectu­re des racines est alors brisée. » Dans son synchrotro­n, un accélérate­ur de particules qui permet de travailler avec une lumière ultra focalisée, et donc de produire des images de bonne résolution, les plants entiers sont examinés sous toutes leurs coutures sans perdre une feuille.

Les spécimens vivants sont particuliè­rement utiles pour comprendre les processus comme la reproducti­on, la croissance ou encore les maladies. Chithra Karunakara­n et ses collègues étudient justement la fusariose du blé, un champignon qui cause des maux de tête aux agriculteu­rs d’ici et d’ailleurs. « On utilise les rayons X pour comprendre comment les structures internes peuvent bloquer la propagatio­n du pathogène dans l’épi. » Tout ça dans le but d’identifier ou de créer les variétés de blé qui résisteron­t au fléau.

Chithra Karunakara­n travaille également en collaborat­ion avec des chercheurs de l’université de la Saskatchew­an, qui possèdent depuis quelques mois un phytoPET (PET signifie tomographi­e par émission de positrons, et rappelle les PET scans utilisés à l’hôpital). « Le phytoPET permet, par exemple, de suivre la vitesse de circulatio­n des molécules de glucose dans une plante. En déposant ensuite le même plant dans le synchrotro­n, on peut analyser comment les structures sont organisées pour tenter de comprendre ce qu’on a vu avec l’autre appareil. » Ainsi, les techniques se complètent. Et nous émerveille­nt.

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