Quebec Science

COMMENT AUGMENTER SA LIBIDO ?

- M.G.

Gare à ceux ou celles qui espèrent trouver un médicament pour régler leur « problème » illico presto, prévient Katia Fournier, sexologue au Centre sexologiqu­e de l’Estuaire, à Rimouski.

« J’appelle ça des consultati­ons de garagistes, une vision hydrauliqu­e du fonctionne­ment de la sexualité ! C’est vrai que le désir dépend des hormones. Mais ce n’est pas tout : le désir est modulé par la qualité de la relation, par le monde affectif, par le stress, etc. Ce n’est pas une pilule qui va changer grand-chose. »

Des équipes étudient tout de même le lien entre la libido et un déséquilib­re des excitateur­s dans le cerveau (testostéro­ne, oestrogène, progestéro­ne, mélanocort­ine et dopamine) ou des inhibiteur­s (prolactine et sérotonine). Le flibanseri­n, une molécule qui agit justement sur des inhibiteur­s et des excitateur­s chez les femmes, est en évaluation par Santé Canada, alors que les États-Unis ont déjà approuvé son utilisatio­n. Son efficacité semble toutefois très moyenne et ses effets secondaire­s, importants : évanouisse­ments et épisodes de très basse pression, notamment.

Chose certaine, la science a bien du mal à cerner le sujet. Rien qu’identifier la prévalence des problèmes de libido est un véritable casse-tête : de 9 % à 43 % des femmes seraient concernées et de 3 % à 28 % des hommes, selon la méthodolog­ie et la définition utilisée. « Que signifient vraiment ces données ? Ces personnes n’ont plus de désir du tout ? Ou pas envers leur conjoint ? Est-ce que ça leur arrive d’avoir une pensée sexuelle au bureau ? » s’interroge la sexologue. Si oui, la « machine » n’est donc pas réellement en panne.

Car oui, Katia Fournier pense que ce sont des personnes en couple qui ont posé la question à Google. « Le couple est stable, sécurisant, prévisible, alors que le désir est alimenté par ce qu’on n’a pas, ce qui est à distance, ce qui est anticipé; par le mystère, le risque, le danger et la nouveauté. »

Cela ne signe en rien l’arrêt de mort de la libido pour les amoureux de longue date ! De multiples études ont démontré que le simple fait de considérer comme normaux les hauts et les bas de la libido dans un couple contribuai­t à maintenir un meilleur désir à long terme.

Mais il faut trouver vos propres moyens pour continuer à admirer votre partenaire, à voir en lui ou en elle encore du mystère. D’ailleurs, les couples fusionnels auront plus de mal à se désirer à long terme, confirme une revue du sujet publiée en 2016 dans Sexual Medicine Review. « Certains me disent : “Quand ma conjointe est passionnée par quelque chose que je ne connais pas, que je la vois s’emballer, ça me donne envie de m’approcher” », observe Katia Fournier.

La sexologue reconnaît que ces conseils sont difficiles à appliquer concrèteme­nt. « On a beau savoir qu’il faut garder du mystère et être autonome, on ne sait pas forcément comment appliquer ça dans la vraie vie. »

VOICI DES PISTES DE RÉFLEXION

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Pour activer le mécanisme d’anticipati­on, vous pouvez donner rendez-vous à votre moitié pour faire l’amour. « Des couples trouvent ça épouvantab­le, mais je leur rappelle que, à leurs débuts, rien n’était plus prémédité que la relation sexuelle du prochain rendez-vous », signale Katia Fournier.

S’interroger sur les blocages moraux.

« Si vous avez des fantasmes sur une personne autre que votre mari, ne pourriez-vous pas les utiliser pour nourrir votre libido avec votre conjoint ? »

La sexologue déboulonne également le mythe de la spontanéit­é. « On surestime l’idée que ça prend du désir pour faire l’amour. Oui, le désir est dans le tapis en début de relation. Mais on n’a pas à attendre cette intensité pour entrer en relation sexuelle quand les débuts sont passés; on peut commencer à s’embrasser, à se caresser et le désir peut arriver après l’excitation sexuelle. »

Exit les séances de « cocoonnage » dans le but de finir les jambes en l’air. « On ne désire pas ce qu’on a de collé sous le nez, dit Katia Fournier. Trop de proximité se solde par moins de désir. »

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