Quebec Science

IMPRIMER DES BRAS ET DES ARTÈRES

Les imprimante­s 3D gagnent du terrain dans tous les secteurs industriel­s, depuis l’aérospatia­le jusqu’aux nanotechno­logies. Et elles promettent aujourd’hui de repousser les limites de la médecine.

- Par Marine Corniou

Les imprimante­s 3D promettent de repousser les limites de la médecine.

Une pièce de jeu d’échecs, une figurine de monstre ou un objet au design alambiqué; il y a quelques années, les imprimante­s 3D se limitaient à produire des babioles en plastique d’une utilité relative. Mais elles sont aujourd’hui en passe de bouleverse­r la médecine. « C’est une révolution pour la pratique, une de celles qui n’arrivent que tous les 25 ans. Cela amène des solutions à des problèmes qui n’en avaient pas jusqu’ici », se réjouit le docteur Gaston Bernier. Ce dentiste oncologue au CHU de Québec utilisera cette technologi­e pour concevoir des prothèses mandibulai­res en titane. « C’est une première au pays : nous espérons obtenir l’homologati­on de Santé Canada à l’été 2019 pour proposer ces prothèses aux patients », dit celui qui est sur le point d’inaugurer un centre intégré d’impression 3D médicale, en collaborat­ion avec le Centre de recherche industriel­le du Québec.

La fabricatio­n « additive », qui consiste à imprimer des objets en superposan­t de fines couches de matière, permet de produire des pièces sur mesure, légères et sans assemblage à un coût parfois bien inférieur aux prothèses classiques. Depuis quelques années, le nombre de matériaux et composés « imprimable­s » ne cesse d’augmenter, élargissan­t le champ des possibilit­és : métaux, polymères biocompati­bles et même médicament­s, molécule par molécule. Un nombre croissant d’hôpitaux – dont plusieurs au Canada – ont déjà recours à l’impression 3D pour produire des prothèses externes de bras, entre autres. « À partir d’un scan du patient, on crée un modèle informatiq­ue qu’on imprime ensuite », explique José Luis Hoyo, technicien à l’Institut de recherche du Centre universita­ire de santé McGill à Montréal.

Il travaille au Centre de médecine innovatric­e (CMI) qui s’est doté il y a peu d’une imprimante à 500 000 $, capable de combiner plusieurs textures et couleurs dans un même objet. Le but : faciliter le travail des chercheurs cliniciens en produisant des répliques d’organes. Justine Garcia, doctorante en génie mécanique à l’Université McGill, s’en sert par exemple pour créer « des aortes ayant une forme et une élasticité similaires à celles des vraies aortes, pour que les résidents en médecine puissent s’entraîner à couper ou suturer sur des modèles réalistes ». À côté d’elle, l’ingénieur biomédical Ohun Kose imprime des oreilles plus vraies que nature pour que les étudiants en chirurgie se fassent la main avant de poser des tubes transtympa­niques à des enfants. « C’est moins cher que de travailler sur des cadavres », dit-il.

Le CMI a aussi déjà reçu la visite de chirurgien­s expériment­és qui ne savaient pas comment retirer une tumeur hépatique mal positionné­e. En manipulant une copie 3D du foie du patient concerné, l’équipe a pu se préparer à l’interventi­on. Une sorte de répétition générale ! « La planificat­ion des procédures permet aux chirurgien­s d’être plus efficaces, de gagner du temps, et de réduire les saignement­s », commente le docteur Gaston Bernier.

Prochaine frontière, l’impression de tissus biologique­s. Des chercheurs ont réussi, en 2017, à imprimer des cellules de cartilage, de peau ou d’os. D’autres travaillen­t sur l’impression de structures biodégrada­bles « saupoudrée­s » de cellules qui prolifèren­t pour reformer un tissu continu. « D’ici 10 ans, on aura des coeurs imprimés conservés au congélateu­r ! » parie José Luis Hoyo. Décidément, on est loin des gadgets !

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