Quebec Science

UNE VIE SOUS LA GLACE ?

Les lunes glacées de Saturne et de Jupiter, soupçonnée­s d’héberger de la vie, seront explorées d’ici 2030.

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« Si je devais investir dans une mission pour trouver la vie dans le Système solaire, je miserais sur les lunes de Saturne et de Jupiter », affirme Lyle Whyte, exobiologi­ste à l’Université McGill, à Montréal. Une déclaratio­n qui a de quoi surprendre, car ce spécialist­e est impliqué dans la recherche de traces de vie sur Mars… Cela ne fait que refléter l’intérêt croissant des scientifiq­ues pour ces mondes lointains, situés pourtant bien au-delà de la zone « habitable » chauffée par le Soleil.

Malgré une températur­e de surface ne dépassant pas les -150 °C, plusieurs de ces lunes pourraient posséder, sous une croûte de glace de plusieurs dizaines de kilomètres d’épaisseur, des océans liquides, chauffés par la force des marées et le volcanisme. « Alors que Mars présente des traces d’eau ancienne, le Système solaire externe [NDLR : Jupiter et au-delà] regorge de destinatio­ns qui abritent encore aujourd’hui de l’eau liquide. C’est extrêmemen­t excitant, car il y existe peut-être des formes de vie en ce moment même ! » s’enthousias­me Leigh Fletcher, astronome à l’université de Leicester, au Royaume-Uni, et spécialist­e des planètes géantes.

Trois satellites de Jupiter, à savoir, Europe, Ganymède et Callisto, sont prometteur­s, tout comme deux lunes de Saturne, Titan et Encelade. Comme beaucoup de leurs pairs, Leigh Fletcher et Lyle Whyte parient au premier chef sur Europe et Encelade, où des geysers d’eau ont été détectés. De plus, ces lunes présentent des similitude­s surprenant­es avec notre planète bleue. « Elles ont tous les ingrédient­s nécessaire­s à la vie : des sources de nutriments et d’énergie, ainsi que de l’eau liquide; et l’environnem­ent y est stable depuis des lustres », explique M. Fletcher.

Bonne nouvelle, ces destinatio­ns sont enfin à portée de sondes spatiales. Et deux fois plutôt qu’une ! Dès 2022, deux missions mettront le cap vers Jupiter et ses lunes : JUICE (JUpiter ICy moons Explorer) de l’Agence spatiale européenne, et Europa Clipper, de la NASA. Elles sont nées d’un projet commun démarré il y a 10 ans. « JUICE se placera en orbite autour de Ganymède et étudiera Jupiter, Europe ainsi que Callisto en cours de route », détaille Leigh Fletcher qui fait partie de l’équipe.

Quant à Europa Clipper, elle « va survoler Europe 44 fois, descendant aussi bas que 25 km au-dessus de la glace, ce qui permettra peut-être d’échantillo­nner

ces geysers en vol », expliquait Elizabeth Turtle, lors d’une conférence de presse de la NASA. Chercheuse à l’université Johns Hopkins, dans le Maryland, elle est responsabl­e de l’imageur de la sonde. « Nous aurons aussi un radar capable de pénétrer la couche de glace pour confirmer la présence d’eau liquide », ajoute-t-elle.

Encelade est pour sa part dans la ligne de mire de plusieurs investisse­urs privés qui se disent prêts à travailler avec la NASA pour y envoyer rapidement une sonde. D’autant qu’en juin 2018, des chercheurs rapportaie­nt dans la revue Nature la présence de grosses molécules organiques complexes dans les geysers de cette lune, détectées par le spectromèt­re de la sonde

Cassini. « D’ici 10 à 20 ans, on devrait avoir des réponses intéressan­tes », conclut Lyle

Whyte, prêt à faire des infidélité­s aux microbes martiens.

Marine Corniou

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Europe, candidate de choix pour la recherche de la vie

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