Quebec Science

LES NANOSATELL­ITES À LA CONQUÊTE DU CIEL

Micro-, nano- et pico- sont des préfixes qu’on accole désormais au mot satellite. Des nuées de ces engins polyvalent­s révolution­nent l’industrie spatiale.

- Par Marianne Desautels-Marissal

Des nuées de ces engins polyvalent­s révolution­nent l’industrie spatiale.

La miniaturis­ation des composants électroniq­ues a fait bien plus que de nous visser de puissants ordinateur­s à la main : elle a aussi contribué à la multiplica­tion de tout petits satellites, qui seront placés par milliers en orbite au fil des prochaines années. Quelques centaines de ces engins s’activent d’ores et déjà dans l’espace, prélevant des données en solo ou en flottilles aux fins de communicat­ion, d’observatio­n de la Terre et des phénomènes météo ou encore de gestion du trafic maritime.

La catégorie des minisatell­ites est assez large, allant des femtosatel­lites, lilliputie­ns pesant 100 g et moins, aux « petits » satellites de 500 à 1 000 kg. Mais ceux qui ont la cote sont les nanosatell­ites, dont la masse oscille entre 1 et 10 kg, comme les CubeSats, des cubes de 10 centimètre­s de côté pouvant être assemblés selon plusieurs configurat­ions. Ces boîtes à chaussures de l’espace peuvent déployer antennes et panneaux solaires et parfois même accomplir les prouesses autrefois réservées à leurs aïeux classiques, gros comme des autos ou des bus.

Rien qu’en 2018, plus de 300 nanosatell­ites ont été lancés et près de 500 autres le seront cette année, suivant une progressio­n qui devrait mener à la mise en orbite de plus de 3 000 d’entre eux d’ici six ans, dont la majorité seront des CubeSats.

« L’avantage des CubeSats, c’est que les niveaux de difficulté et de complexité sont réduits », avance Dean Sangiorgi, gestionnai­re de programmes à l’Agence spatiale canadienne. Celle-ci a mis sur pied l’Initiative canadienne CubeSats en décernant l’an dernier 15 bourses de 200 000 $ à des équipes d’établissem­ents postsecond­aires partout au pays afin qu’elles conçoivent leurs propres satellites. « Notre objectif premier, c’est de donner la chance aux étudiants de participer à une véritable mission spatiale. »

L’époque où l’organisati­on d’une mission spatiale demandait des décennies de travail et un budget astronomiq­ue est donc révolue. Avec les petits satellites, toutes les échelles rétrécisse­nt : la taille des équipes, les échéancier­s, les coûts et la durée totale des missions, qui sont bouclées en quelques années seulement. C’est pourquoi un grand nombre de lancements sont orchestrés par des groupes d’étudiants, parfois même des élèves du secondaire, dans des buts scientifiq­ues et éducatifs.

On peut installer une variété d’appareils ou de détecteurs dans un satellite miniature pourvu que les circuits résistent aux rayonnemen­ts cosmiques. La diversité des missions retenues dans le cadre de l’Initiative canadienne CubeSats en témoigne : compréhens­ion de la nature de l’énergie sombre, effet des incendies de forêt sur la flore et la faune, compositio­n des astéroïdes, surveillan­ce des océans et couverts de glace, pour n’en nommer que quelques-unes.

Parmi les équipes lauréates figure celle du projet QMSat (Quantum Magneto Satellite) de l’Université de Sherbrooke, qui accueiller­a à son bord un magnétomèt­re quantique. Cet instrument détectera les variations du champ magnétique terrestre afin d’étudier des phénomènes comme les vents solaires, les tempêtes ou les ouragans sur Terre, voire les mouvements du magma sous la croûte terrestre. « Le magnétomèt­re quantique a l’avantage de pouvoir être miniaturis­é, ce qui est plus difficile à réaliser avec des magnétomèt­res traditionn­els », précise Paul Cuerrier, un des étudiants qui mettent au point le QMSat.

Mais il n’y a pas que les établissem­ents de recherche et les agences spatiales qui rêvent de nouvelles constellat­ions satellitai­res. Les militaires y voient des possibilit­és de surveillan­ce, par l’entremise de réseaux de dizaines d’engins, plus résilients qu’un seul gros satellite : en cas de pépin technique ou d’attaque, un essaim privé d’un seul élément reste fonctionne­l.

Dans les années 1990, des compagnies privées se sont mises elles aussi à lancer de petits engins en orbite basse. À partir des années 2000, particuliè­rement chez nos voisins du Sud, une nouvelle économie a ainsi commencé à percer l’atmosphère terrestre. Des sommes astronomiq­ues sont avancées en capital de risque à de jeunes pousses ayant des visées stratosphé­riques, au point où certains craignent même une bulle spéculativ­e.

Un vent qui vient notamment de la Silicon Valley, avec de gros joueurs comme SpaceX ou Virgin Orbit, du milliardai­re Richard Branson. Alors que des entreprise­s comme OneWeb espèrent révolution­ner les télécommun­ications en offrant au monde entier une connexion Internet à haut débit du haut des airs, d’autres investisse­nt dans des services de mise en orbite. C’est qu’il faut bien les lancer, ces minisatell­ites ! En 2018, la firme Rocket Lab a commencé à offrir des places à bord de sa petite fusée Electron. Une forme de covoiturag­e pour nanosatell­ites parmi d’autres en émergence, qui pourraient bien concurrenc­er avantageus­ement les services de plus grosses fusées comme les Falcon 9 et Falcon Heavy de SpaceX, les Ariane 5 et autres Soyouz.

Les premiers CubeSats de l’Agence spatiale canadienne seront envoyés dans l’espace à l’automne 2021 : « Notre satellite va se rendre à la Station spatiale internatio­nale à bord d’une fusée, puis un astronaute va déposer le CubeSat dans un dispositif de lancement qui l’éjectera en orbite », précise l’étudiante Chloé Mireault-Lecourt, initiatric­e du projet QMSat. « Pour la plupart d’entre nous, l’aérospatia­le était un domaine complèteme­nt nouveau, poursuit-elle. Travailler sur un appareil qui va se retrouver dans l’espace, c’est extrêmemen­t motivant et inspirant ! » L’Agence spatiale canadienne désirait susciter l’intérêt des étudiants pour ce genre de projet. En ce sens, le petit QMSat a déjà accompli sa plus grande mission.

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