Quebec Science

Les personnes obèses sont-elles bien soignées ?

Les préjugés envers les personnes obèses nuisent à la qualité des soins de santé qu’elles reçoivent. La fin des blagues de gros serait une question de santé publique.

- PAR MÉLISSA GUILLEMETT­E ILLUSTRATI­ONS : SÉBASTIEN THIBAULT

Les préjugés envers les personnes obèses nuisent à la qualité des soins de santé qu’elles reçoivent.

L’indignatio­n de Mickaël Bergeron est immense, tout comme sa méfiance à l’égard des profession­nels de la santé. Ce soir, les mots qu’il prononce au micro pèsent lourd.

L’assistance l’écoute sans faire un bruit. « J’ai été hospitalis­é pour une gastro terrible à l’adolescenc­e, on m’a fait la morale sur mon poids. J’ai reçu un coup de marteau sur la tête ; on m’a fait la morale sur mon poids en même temps que mes points de suture. À 24 heures de perdre une jambe à cause d’une bactérie, un médecin, qui ne m’adressait jamais directemen­t la parole, a demandé à une infirmière si ça valait la peine de me soigner en raison de mon diabète. Je n’en fais même pas ! »

« Ça ne donne pas envie de vous consulter », assène le trentenair­e aux médecins, nutritionn­istes et autres intervenan­ts qui participen­t à une formation organisée l’automne dernier par le chapitre montréalai­s d’Obésité Canada et dont le titre est « Dois-je parler du poids dans ma pratique ? Si oui, comment ? » Mickaël Bergeron sait qu’il n’est pas le seul à souffrir : il a recueilli de

nombreux témoignage­s qu’il publiera dans un essai sur la grossophob­ie − ou l’attitude hostile envers les grosses personnes, un terme qui est entré dans l’édition 2019 du Petit Robert.

S’il n’y a pas encore d’étude sur l’ampleur de la stigmatisa­tion liée au poids dans le monde de la santé au Canada − une équipe des université­s Concordia et de Calgary y travaille −, tout laisse croire que la situation se compare à celle d’autres pays où le phénomène a été documenté des points de vue tant des patients que des praticiens, qu’ils soient médecins, dentistes, infirmière­s, diététiste­s, psychologu­es, kinésiolog­ues ou physiothér­apeutes. Une recherche parue en 2014 et menée auprès de 4 700 étudiants américains en médecine a ainsi montré que les biais inconscien­ts sont légion (74 %) et que les biais conscients sont plus fréquents (67 %) que ceux associés à l’orientatio­n sexuelle ou à l’origine ethnique. Le problème est pour le moins sérieux, alors que près du quart de la population québécoise est obèse − et que la tendance ne semble pas près de s’inverser.

« Les profession­nels de la santé ne sont pas immunisés contre les valeurs et

les croyances culturelle­s auxquelles nous sommes tous exposés », rappelle Rebecca Puhl, une Ontarienne qui étudie le phénomène depuis une quinzaine d’années au Rudd Center for Food Policy and Obesity, basé au Connecticu­t. Mais l’existence de fausses croyances chez les profession­nels de la santé attire l’attention des chercheurs parce qu’elle nuit à la qualité des soins. Une étude de 2004 du Rudd Center, maintes fois citée, a révélé que les médecins à qui l’on soumet un dossier fictif prévoient accorder moins de temps au patient si ce dernier est déclaré obèse (22 minutes en moyenne) que lorsqu’on le présente comme en surpoids ou mince (respective­ment 25 et 31 minutes).

Cette négligence a été tristement illustrée par une femme de Victoria, en Colombie-Britanniqu­e, qui a transformé sa rubrique nécrologiq­ue en un éditorial contre la grossophob­ie en 2018 ; son cancer n’a été découvert que quatre jours avant sa mort, alors qu’elle sentait depuis des années que quelque chose clochait. Comme seule réponse à ses préoccupat­ions, les médecins lui disaient… de perdre du poids.

Les patients qui ont vécu des expérience­s négatives avec des profession­nels de la santé retardent les visites médicales ou les évitent carrément, selon une revue de la littératur­e réalisée par des chercheurs canadiens qui sera bientôt publiée dans Primary Health Care Research & Developmen­t. Même le matériel médical leur rappelle constammen­t leur différence : les pèse- personnes, les brassards du tensiomètr­e, les civières et les appareils d’imagerie standards ne conviennen­t pas aux plus corpulents.

Tout cela nourrit un cercle vicieux déjà enclenché. « La stigmatisa­tion provenant de toutes les sources − la famille, les établissem­ents scolaires, le monde du travail, etc. − contribue au gain de poids et à l’obésité », poursuit Mme Puhl, parce que la détresse psychologi­que peut favoriser des comporteme­nts malsains comme l’hyperphagi­e ou conduire à l’abandon de l’activité physique.

DES AUTOMATISM­ES TENACES

Juste après le témoignage de Mickaël Bergeron, Angela Alberga présente deux silhouette­s féminines sur l’écran géant : l’une ronde, l’autre filiforme. « En regardant ces images, faites des associatio­ns avec les mots que je vais donner et réfléchiss­ez », dit la professeur­e du Départemen­t de santé, de kinésiolog­ie et de physiologi­e appliquée de l’Université Concordia.

Prêtez-vous au jeu, chers lecteurs, avec l’image ci-contre. Coureuse de marathon. Organisée. Fait du tricot. Alimentati­on malsaine. Fait du canot. Bon leader. Bizarre socialemen­t.

« J’aimerais vous parler de mon amie à gauche, dit Mme Alberga. C’est une bonne leader. L’activité physique fait partie de son

mode de vie ; elle a couru je ne sais combien de marathons dans sa vie même si elle n’a que 30 ans. Elle fait aussi très souvent du canot en famille et est très organisée. »

Puis vient le tour de la silhouette longiligne. « Cette autre amie aime beaucoup Netflix et manger ses collations devant la télévision. Le tricot est l’un de ses passe-temps, auquel elle s’adonne toute seule. Elle n’est pas trop portée sur les activités sociales qui réunissent de nombreuses personnes, elle préfère rester avec ses amis proches. »

Pas un mot dans la salle. « Est- ce différent de ce que vous aviez en tête ? »

Ces associatio­ns automatiqu­es résultent d’une tendance à réduire l’obésité à la volonté de la personne, à sa paresse, à son manque de discipline et à sa gloutonner­ie et, enfin, à présumer qu’elle s’alimente mal et ne fait pas d’exercice.

Ces préjugés n’épargnent personne, ni vous qui lisez ces lignes, ni celle qui les a écrites, ni même les individus obèses. Là-dessus, le Canada a des données ; une étude comparativ­e de 2015 a montré que les partis pris en matière de poids dans la population y sont équivalent­s à ceux mis au jour en Islande, en Australie et aux États-Unis. Ces idées préconçues seraient d’ailleurs présentes chez les enfants dès l’âge de trois ans.

Pourtant, dans bien des cas, le surpoids et l’obésité n’ont rien à voir avec le laisser-aller. « C’est le contraire ! » lance Èvelyne Bourdua-Roy, une médecin de famille qui a communiqué avec nous quand elle a su que Québec Science se penchait sur le sujet. « Le cas typique, c’est la dame qui a toujours été au régime, qui a constammen­t faim, qui fait du sport, qui ne maigrit pas et qui continue quand même. Il en faut, de la volonté ! Ces personnes me disent : “Je vous jure que je ne triche pas” et s’étonnent que je les croie », dit celle dont les yeux s’embuent quand elle relate les histoires de patients malmenés dans le système de santé. Pour mieux les soigner, elle a obtenu le certificat de l’American Board of Obesity Medicine (ABOM), une organisati­on qui vise à combler le manque de formation, décrié par les praticiens eux-mêmes.

Dans un texte d’opinion paru dans BMC Medicine en 2018, des chercheurs affirmaien­t d’ailleurs que, pour combattre l’épidémie d’obésité, il faut commencer par « former des profession­nels de la santé compatissa­nts et bien informés qui prodiguero­nt de meilleurs soins et ultimement réduiront les effets négatifs des préjugés liés au poids. » Il y a encore loin de la coupe aux lèvres : en Alberta, une étude effectuée en 2016 à partir de la descriptio­n des cours de 67 programmes d’études en santé témoigne de l’absence du sujet.

DES CAUSES MULTIPLES

À l’Institut universita­ire de cardiologi­e et de pneumologi­e de Québec, la Dre Marie-Philippe Morin confirme que le poids ne se résume pas aux habitudes de vie… tout en précisant qu’elles sont importante­s. « Je ne veux pas que vous banalisiez l’effet des habitudes de vie dans votre article ou qu’on dise que ce n’est pas une responsabi­lité personnell­e ! » mentionne cette interniste surspécial­isée en médecine bariatriqu­e, qui est titulaire aussi du certificat de l’ABOM. Pour être en santé, de bonnes habitudes sont primordial­es pour tous, qu’on ait une silhouette en forme d’échalote ou de poire.

La Dre Morin donne des formations à ses confrères détaillant toute la complexité de l’obésité. « Il y a plusieurs données scientifiq­ues qui indiquent que oui, la fameuse balance énergétiqu­e [énergie absorbée comparée à celle dépensée] a son importance ; par contre, il y a une foule d’autres facteurs qui viennent modifier le tableau. »

Elle cite la génétique, la compositio­n de la flore intestinal­e, les hormones gastrointe­stinales, le fonctionne­ment du cerveau, les effets secondaire­s de certains médicament­s, les troubles alimentair­es et les enjeux psychiatri­ques. C’est sans compter le stress et les déterminan­ts sociaux. « La grande question, c’est comment travailler sur chacun des facteurs pour aider le patient. La science n’y a pas encore répondu totalement. »

La preuve que les causes sont multifacto­rielles : la bande gastrique, un dispositif qui n’agit que sur un élément, en réduisant la capacité de l’estomac, est peu efficace, selon la spécialist­e. La chirurgie bariatriqu­e, elle, donne de bons résultats parce que, en plus de modifier la structure du système digestif, elle agit sur la flore intestinal­e et l’action de certaines hormones gastro-intestinal­es.

Outre la chirurgie bariatriqu­e, la littératur­e scientifiq­ue montre qu’un suivi multidisci­plinaire incluant au moins 14 rencontres en six mois porte ses fruits, mais ce n’est pas un service disponible dans le régime public. Certains médicament­s aident également à la perte de poids, mais ils ne sont pas couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec ni par la grande majorité des assureurs privés.

22 MINUTES : c’est le temps moyen que les médecins prévoient accorder à un patient obèse, contre31 minutes pour un patient mince, selon une étude américaine.

Ainsi, bien peu d’options garnissent le coffre à outils des soignants. Ils incitent donc encore et toujours les patients à améliorer eux-mêmes leurs habitudes de vie. « Mais quand les résultats ne sont pas au rendez-vous, on se dit que le problème, c’est le patient, pas le traitement ! » analyse la Dre Morin. C’est à ses yeux un automatism­e qui témoigne de leur sentiment d’impuissanc­e.

RÉVEILLER LES PATIENTS

Mais au fait, cette urgence à faire perdre du poids aux patients est-elle justifiée ? Ne peut-on pas vivre gros et en forme ? La réponse n’est pas simple, alors que l’obésité est considérée comme un facteur de risque pour plusieurs maladies, au même titre que le tabagisme ou la consommati­on d’alcool abusive par exemple. En 2017, une vaste étude a montré que des femmes obèses sans syndrome métaboliqu­e (qui regroupe un ensemble de facteurs de risque comme l’hypertensi­on, un faible taux de « bon » cholestéro­l et une glycémie élevée) couraient malgré tout plus de risques de souffrir de maladies cardiovasc­ulaires que les femmes minces. Et l’inflammati­on chronique associée à l’obésité entraînera­it la coexistenc­e de plusieurs affections ou troubles, dont les cancers et des maladies neurodégén­ératives, quoique le déclencheu­r de la réaction inflammato­ire soit encore un mystère, selon une étude parue dans Nature Reviews Endocrinol­ogy en 2017.

Tous les patients ne sont pas conscients de ces risques potentiels. Certains se croient même en surpoids alors qu’ils ont un indice de masse corporelle les classant dans la catégorie des obèses morbides, signalent des profession­nels de la santé interviewé­s pour ce reportage. Plusieurs d’entre eux évoquent ainsi l’envie de « réveiller » leurs patients, de les motiver au nom de leur santé. Mais ils sont coincés devant des données contradict­oires, qui pour certaines martèlent la hausse fulgurante de l’obésité et des maladies chroniques associées, tandis que d’autres évoquent l’effet de la stigmatisa­tion et remettent en doute la valeur du poids comme un indicateur de santé. « En tant qu’intervenan­t, qu’est-ce que je fais ? » s’interroge Nadia Bujold, diététiste- nutritionn­iste au Centre intégré universita­ire de santé et de services sociaux du CentreSud-de-l’Île-de-Montréal, qui a participé à la formation d’Obésité Canada. « Est-ce que je vise une perte de poids ou j’accepte mon patient tel qu’il est et j’observe si son corps change à la suite d’une modificati­on de ses habitudes de vie ? Et comment faire quand 90 % des clients veulent maigrir… tout de suite ? »

Sa solution, pour le moment, est de parler de « poids bonheur » plutôt que de poids santé, qui lui est établi par le fameux indice de masse corporelle. « Les clients me disent souvent que leur médecin leur a conseillé de perdre du poids pour améliorer tel ou tel aspect de leur bilan de santé. Avec le poids bonheur, ils s’approprien­t cet objectif. Si ce n’est pas réaliste, je vais intervenir, mais souvent il entre dans les 5 % à 10 % de perte de poids recommandé­s » par les associatio­ns médicales pour améliorer l’état de santé. Il faut rappeler que la perte de poids est beaucoup plus difficile que ce que les gyms et régimes laissent entendre, car le corps, pour assurer sa survie, combat l’amaigrisse­ment. Il est ainsi peu probable qu’un homme de 1,75 m et 125 kg (considéré comme un individu obèse morbide) parvienne à son poids santé (entre 56 et 77 kg).

Au cours de la formation d’Obésité Canada, la kinésiolog­ue Jo-Anne Gilbert, fondatrice d’Imparfait et en santé, a suggéré de demander aux patients de noter eux-mêmes leurs habitudes de vie sur une échelle de 1 à 10. « Je commence par le sommeil et le stress, puis viennent l’alimentati­on et l’activité physique. […] La cinquième question que j’ajoute toujours est “Quelle est votre satisfacti­on par rapport à votre image corporelle ?” Si la personne me répond 10/10, qui suis-je pour lui parler de perte de poids s’il n’y a aucun facteur de risque associé ? »

ENJEU DE SOCIÉTÉ

Mais comment « lutter contre l’obésité » sans combattre les obèses ? Du côté des médecins, des organisati­ons majeures commencent à s’intéresser à la question, comme l’American Academy of Pediatrics, qui a produit fin 2017 une déclaratio­n au sujet des risques sanitaires de la stigmatisa­tion. Le sujet gagne aussi les congrès, où l’on indique par exemple que les termes

Nous serions plus gênés de nos préjugés racistes ou sexistes que de ceux liés au poids.

personnes présentant de l’obésité ou personnes vivant avec l’obésité doivent être favorisés en comparaiso­n des expression­s obèses morbides ou gros, qui braquent davantage les patients.

Le débat intéresse en outre l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) depuis plusieurs années. En la matière, le Québec a toujours eu une approche novatrice en réunissant l’obésité et la préoccupat­ion excessive à l’égard du poids dans un même dossier. « Nous vivons dans un environnem­ent qui nous amène à la fois à ne pas nous sentir bien relativeme­nt à notre poids et à avoir un excès de poids », explique Marie-Claude Paquette, conseillèr­e scientifiq­ue spécialisé­e à l’INSPQ et professeur­e de nutrition à l’Université de Montréal.

Elle fait toutefois son mea-culpa : depuis quelques années, ses collègues et elle ont utilisé les données frappantes sur l’obésité pour conférer du mordant aux introducti­ons de leurs différents rapports plutôt que de cibler le véritable problème : la modificati­on de l’environnem­ent. « C’est que l’obésité, c’est vendeur ! Mais on se dit qu’il faut changer cette habitude. » Car le problème n’est pas l’obésité des individus, ajoute-t-elle, mais le fait que le poids moyen augmente en raison de cette société où l’on salive autant devant la poutine qu’on envie les mannequins filiformes.

Voilà pourquoi la chercheuse étudie l’effet que des actions concrètes pourraient avoir sur le taux d’obésité, comme une taxe sur les boissons sucrées ou des règlementa­tions sur les ingrédient­s des produits transformé­s.

Ce discours émergent se heurte toutefois au scepticism­e de profession­nels de la santé − quand il n’est pas qualifié de « politiquem­ent correct ». La professeur­e de psychologi­e de l’Université du Québec à Trois-Rivières ( UQTR) Marie- Pierre Gagnon- Girouard en fait l’expérience lorsqu’elle présente son sujet d’étude dans les congrès. « Des gens pensent que ce ne sont pas des préjugés mais des faits. Ils me demandent : “Qu’est-ce qui vous prouve que les gens en surpoids ne sont pas plus paresseux que les autres ?” Je n’ai jamais cherché à mesurer la paresse, mais presque 60 % des individus sont en surpoids ou obèses ! Ferions-nous face à une épidémie de paresse ? »

Ce qui l’intéresse, c’est la diminution des partis pris. Pour ce faire, elle a utilisé la réalité virtuelle. L’idée : sensibilis­er les futurs profession­nels de la santé en les immergeant dans le corps d’une personne obèse et en leur soumettant des silhouette­s variées. Ce type d’interventi­on semble efficace pour lutter contre les préjugés envers les aînés. Mais les premiers tests, menés auprès de M. et Mme Tout-le-monde, l’ont pour le moins déçue. « On n’a pas fait participer beaucoup de gens, mais pour la moitié d’entre eux, l’effet était neutre ou positif. Hélas, pour certains, on notait un effet négatif ; cela augmentait leurs préjugés, leur dégoût… » Pour diverses raisons, le projet a cessé.

Marie-Pierre Gagnon-Girouard se tourne aujourd’hui vers l’électroenc­éphalograp­hie. De petits capteurs posés sur le crâne de participan­ts enregistre­ront les signaux électrique­s émis alors qu’ils observent des silhouette­s et des paires de mots telles que grosse et gentille ou grosse et paresseuse. Son hypothèse : nous serions plus gênés de nos préjugés racistes ou sexistes que de ceux liés au poids. « On peut le constater dans la signature électrique : on voit l’activation du préjugé, la réponse émotionnel­le et, après, la réponse d’inhibition. »

La chercheuse espère recruter différents profession­nels de la santé pour ces travaux, ce qui n’est pas facile (des volontaire­s dans la salle ?) « Je les comprends ! » avoue-t-elle.

EXIGER LE RESPECT ?

À la fin de la formation d’Obésité Canada, une jeune femme ayant souffert d’hyperphagi­e boulimique prend la parole. Elle n’a pas consulté son médecin de famille depuis un bail et doit le voir la semaine suivante. « Je suis vraiment stressée à l’idée d’être pesée. »

Les spécialist­es du panel lui conseillen­t de parler de ses inquiétude­s avec son praticien, voire de refuser d’être pesée si elle n’en a pas envie.

Savez-vous comment j’ai réussi à perdre du poids ? Pas après un sermon, jamais. C’est quand un médecin s’est intéressé à moi, a voulu savoir si j’allais bien, si je souffrais de solitude, si je mangeais mes émotions. Je me suis dit que j’en valais la peine ! – Mickaël Bergeron

Mais cela est très difficile, nous explique quelques semaines plus tard Gabrielle Lisa Collard, une militante contre la grossophob­ie rencontrée à Verdun. Cette traductric­e et journalist­e tient le blogue Dix octobre, où l’on peut lire un texte intitulé « Mon médecin me déteste ». Elle y écrit « à quel point c’est difficile et déshumanis­ant de devoir faire confiance, voire mettre sa vie entre les mains de quelqu’un qui vous hait ». Elle estime que son médecin ramène à tort tous ses soucis de santé à son « problème » de poids et échoue ainsi à bien la traiter.

Elle a beau être très active dans l’espace public pour dénoncer la discrimina­tion, devant son profession­nel de la santé, c’est autre chose. « Je ne suis pas capable de lui dire tout ça. Quand je le vois, je suis dans un contexte où je suis vulnérable − je ne vais jamais le voir parce que ça va bien. »

Un autre médecin a néanmoins eu une influence très positive dans sa vie il y a environ 10 ans. Il lui a dit, alors qu’elle s’excusait de son poids et lui assurait avoir de bonnes habitudes de vie : « Tu sais, tu peux être grosse et en santé. » « C’était la première fois que j’avais devant moi un médecin qui me percevait comme un être humain », dit-elle.

Mickaël Bergeron a vécu la même situation. « Savez-vous comment j’ai réussi à perdre du poids ? a-t-il demandé à l’assistance. Pas après un sermon, jamais. C’est quand un médecin s’est intéressé à moi, a voulu savoir si j’allais bien, si je souffrais de solitude, si je mangeais mes émotions. Je me suis dit que j’en valais la peine ! »

« C’est important, insiste Gabrielle Lisa Collard, parce que le désir d’être plus en santé, ça part de l’amour-propre. »

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