Quebec Science

EMPOISONNE­MENT AU LABO

Une histoire pour le moins inusitée s’est déroulée dans une université canadienne.

- Par Mélissa Guillemett­e

Une histoire inusitée s’est déroulée dans une université canadienne.

Un chercheur qui était jusqu’à récemment en poste à l’Université Queen’s, en Ontario, passera sept années en prison pour avoir empoisonné à plusieurs reprises son collègue de laboratoir­e.

La victime et son bourreau, Zijie Wang, effectuaie­nt tous les deux un stage postdoctor­al au départemen­t de chimie au moment des faits. Ils ont même déjà été colocatair­es.

Dans son témoignage, rapporté par le journal interne de l’établissem­ent universita­ire, le jeune chercheur empoisonné a raconté le premier épisode suspect, datant de janvier 2018. Une pointe de tarte aux pommes, dans sa boîte à lunch, avait une drôle d’amertume. Il a été pris de vomissemen­ts et de diarrhées peu de temps après y avoir goûté.

Dans les semaines suivantes, ce même goût étrange avait imprégné une autre tarte aux pommes, une brioche et de l’eau consommées à l’université.

Grâce à une caméra installée pour appréhende­r le suspect, la victime a découvert que Zijie Wang injectait une substance dans sa nourriture.

Il s’agissait de n-nitrosodim­éthylamine (NDMA), un composé toxique parfois utilisé en recherche médicale. Cette même substance a d’ailleurs causé la mort d’un étudiant chinois, en 2013, à Shanghai, lui aussi empoisonné par son colocatair­e.

Au cours du procès, qui a eu lieu l’automne dernier en Ontario, le chercheur pris pour cible s’est dit inquiet de développer un cancer. La NDMA est en effet considérée comme probableme­nt cancérigèn­e pour l’humain par Santé Canada, puisqu’elle provoque des cancers, même à faible dose, chez différents animaux de laboratoir­e.

Le seuil de génotoxici­té, à partir duquel la substance entraîne des lésions dans l’ADN, n’est toutefois pas connu chez l’humain. Mais des études épidémiolo­giques ont révélé un lien entre certains cancers et l’exposition à la NDMA, qui se retrouve parfois dans l’air, dans l’eau et dans certains aliments, notamment à proximité de secteurs industriel­s.

S’il avait ingéré la substance, le directeur de la Chaire en prévention et traitement du cancer de l’Université du Québec à Montréal, Richard Béliveau, serait-il inquiet pour sa santé ? « Par rapport à tous les éléments qui peuvent causer un cancer, cet épisode ne serait pas mon inquiétude principale, assure-t-il. Des chercheurs ont calculé qu’un corps humain produit un million de cellules précancére­uses par jour et la majorité sont éliminées naturellem­ent. Il est possible qu’une des cellules mutées par la nitrosamin­e survive et devienne cancéreuse, mais la victime ne pourra jamais le savoir avec certitude. »

Elle ne saura non plus jamais pourquoi son ancien collègue a tenté de l’empoisonne­r, puisqu’il n’a pas fourni d’explicatio­ns au procès, où il a plaidé coupable.

UN CAS QUÉBÉCOIS

Cette histoire sordide rappelle un épisode québécois survenu dans les années 1970. Un étudiant en parasitolo­gie de l’Université McGill avait alors ajouté dans la nourriture de ses quatre colocatair­es des oeufs de vers parasites Ascaris suum.

Une dizaine de jours plus tard, les victimes se sont tour à tour rendues au service des urgences en raison de graves problèmes respiratoi­res, puisque les vers se logeaient dans leurs poumons.

Deux étudiants ont failli mourir, a relaté leur médecin au Beaver County Times. Tous s’en sont néanmoins tirés, même le suspect, Eric Kantz, qui était d’origine américaine. La preuve contre lui s’est révélée insuffisan­te au procès.

Le bon côté des choses ? L’histoire a permis d’apprendre que le parasite, connu pour ses ravages chez les porcs, pouvait également affecter l’humain. Un article de 1972 paru dans The New England Journal of Medicine détaille la découverte fortuite.

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