Quebec Science

ALZHEIMER : PRÉVENIR À DÉFAUT DE GUÉRIR

La maladie d’Alzheimer est incurable, pour le moment. Mais il est possible de repousser l’échéance, soutient le Dr Philippe Amouyel, spécialist­e des maladies liées au vieillisse­ment et de leur prévention.

- Par Marine Corniou

Il est possible de repousser l’échéance, selon le Dr Philippe Amouyel.

Mal incontrôla­ble qui ronge nos sociétés vieillissa­ntes, la maladie d’Alzheimer résiste encore et toujours aux assauts des chercheurs. Elle affecte 35 millions de personnes dans le monde, et l’on s’attend à ce que le nombre de cas triple d’ici 2050. « Elle touche notre personnali­té, notre relation aux autres, notre moi intime, notre capacité à vivre en société », écrit Philippe Amouyel dans son Guide anti-Alzheimer : les secrets d’un cerveau en pleine forme, paru en mars 2018 aux éditions du Cherche midi. Ce neurologue de formation, professeur de santé publique au Centre hospitalie­r régional universita­ire de Lille et directeur d’une équipe de recherche sur les maladies du vieillisse­ment à l’Institut Pasteur de Lille, propose dans son ouvrage des conseils simples pour retarder autant que possible les premiers signes de la maladie. Nous avons profité de son passage à Montréal, l’automne dernier, pour faire le point sur les avancées de la recherche, que ce soit dans le domaine de la génétique, de la pharmacolo­gie ou de la prévention.

Québec Science : Malgré des efforts de recherche importants, il n’existe toujours pas de traitement contre la maladie d’Alzheimer. Plusieurs essais cliniques ont été interrompu­s début 2018 faute d’efficacité. Est-ce un constat d’échec généralisé ?

Philippe Amouyel : En fait, du côté scientifiq­ue, il y a eu des avancées colossales depuis une dizaine d’années. Mais c’est vrai que, pour que la recherche soit considérée comme un succès par le public, il faut qu’elle se traduise par un médicament que les gens pourront acheter à la pharmacie. Malheureus­ement on n’en est pas là, d’abord parce que le cerveau est un organe compliqué, ensuite parce que la maladie est elle aussi compliquée, insidieuse et qu’elle s’étend dans le temps. Lorsque les signes apparaisse­nt, la maladie évolue déjà depuis 10, 20 ou même 30 ans. Le cerveau résiste pendant un certain temps, puis il ne parvient plus à compenser les pertes de neurones et les symptômes se manifesten­t.

Il est alors trop tard pour intervenir ?

QS

PA C’est ce qu’on pense. Le problème, c’est qu’on a testé les traitement­s trop tardivemen­t. S’il n’y a plus assez de neurones, les molécules ne peuvent faire régresser les symptômes. C’est pour cela que, en ce moment, plusieurs essais reprennent des molécules qui ont apparemmen­t échoué et les testent bien avant l’apparition des symptômes, pour voir si elles permettent de bloquer la maladie à un stade où le cerveau peut encore récupérer. Parallèlem­ent, une centaine de molécules font l’objet d’essais thérapeuti­ques, la plupart à la phase présymptom­atique.

QS Comment peut-on déceler la maladie avant les premiers symptômes ?

PA Pendant longtemps, le diagnostic ne se faisait qu’à l’autopsie. Aujourd’hui, il repose sur un faisceau de présomptio­ns, c’est-à-dire la présence de symptômes, mais aussi de certains marqueurs biologique­s dans le liquide céphalorac­hidien, et sur l’imagerie par résonance magnétique, qui montre alors une diminution du volume de certaines aires cérébrales.

En recherche, on peut utiliser une autre technique d’imagerie, la tomographi­e par émission de positrons [ PET scan]. On dispose de traceurs qui vont se fixer sur les plaques amyloïdes, caractéris­tiques de la maladie, et donner une idée de leur quantité à des stades plus précoces.

QS Justement, que savons-nous de ces « plaques » dans le cerveau et des causes de la maladie ?

PA Comme beaucoup d’autres affections, la maladie d’Alzheimer est le fruit d’interactio­ns entre des facteurs environnem­entaux et un terrain génétique. Moins de un pour cent des formes d’alzheimer sont génétiques, avec une transmissi­on familiale ; elles débutent très tôt. Tous les autres cas sont sporadique­s et surviennen­t après 65 ans.

On sait qu’il y a d’abord une accumulati­on de protéines amyloïdes [NDLR : qui forment des agrégats ou plaques entre les neurones]. Puis, par un mécanisme qu’on ne connaît pas bien, ces amas altèrent la structure d’une autre protéine, la protéine tau, qui déforme les neurones et entraîne leur dégénéresc­ence. La maladie débute dans l’hippocampe, puis se propage au reste du cerveau.

Ce phénomène de « cascade amyloïde » a été mis en évidence par des recherches sur les formes précoces familiales de la maladie. Cela dit, les mécanismes sont probableme­nt complexes et multiples. Récemment, des études de génétique nous ont aidés à mettre au jour d’autres mécanismes en jeu.

QS Pouvez-vous nous parler de ces travaux en génétique, qui sont la spécialité de votre équipe ?

PA Quand on travaille en génétique, on ne fait pas d’hypothèses à priori ; on analyse entièremen­t le génome par balayage pour trouver les variants qui sont plus fréquents chez les malades que chez les gens en bonne santé. Notre laboratoir­e a coordonné la plus grande étude internatio­nale jamais

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