Quebec Science

L’humain moderne toujours en évolution

Aujourd’hui encore, notre espèce est en pleine évolution. De récentes études en détectent les signes − discrets, mais bien présents − sur le niveau de cholestéro­l, la taille ou la fertilité. À quoi ressembler­a l’humain du futur ?

- PAR ALEXIS RIOPEL

De récentes études détectent les signes − discrets, mais bien présents − de l’évolution de notre espèce. À quoi ressembler­a l’humain du futur ?

En ce jeudi soir froid et neigeux, l’ambiance chaleureus­e au Waverly, au coeur du Mile End, à Montréal, invite aux rapprochem­ents. Sous l’éclairage tamisé, les serveuses apportent verres de bière et cocktails aux tables. Bien que plusieurs clients se retrouvent entre amis, d’autres, visiblemen­t, sont venus à des rendez-vous galants ou pour faire des rencontres.

C’est dans des lieux comme celui-ci que se dessine aujourd’hui l’évolution de l’espèce humaine. Car, contrairem­ent à ce que la plupart des gens pensent, l’évolution n’a pas de finalité, et celle de notre espèce n’est donc pas arrivée à terme. L’environnem­ent dans lequel nous vivons, en constante mutation, nous impose sans relâche des pressions évolutives. La culture propre à chaque société aiguille d’autant de manières la sélection naturelle. L’humain se transforme.

« En raisonnant par l’absurde, on peut se demander ce qu’il faudrait pour qu’une population humaine n’évolue pas », dit Alexandre Courtiol, chercheur en biologie évolutive au Leibniz Institute for Zoo and Wildlife Research, à Berlin. Les conditions nécessaire­s pour éviter toute forme d’évolution sont en effet très contraigna­ntes : « Qu’on ait tous le même nombre d’enfants, qu’on vive tous jusqu’au même âge, qu’on choisisse son partenaire au hasard, qu’il n’y ait pas de mutations, qu’il n’y ait pas de migrations », énumère le biologiste.

En effet, comme l’avait si bien compris Darwin, si les êtres vivants évoluent, c’est surtout parce que les individus les mieux adaptés à leur milieu vivent plus vieux et se reproduise­nt davantage. Cette fameuse sélection naturelle contribue donc à propager les traits les plus avantageux.

Si l’on comprend qu’un loup plus puissant domine sa meute et transmette ses gènes par exemple, on peut toutefois s’interroger sur ce qui départage deux partenaire­s potentiels accoudés à un bar. Dans une métropole cosmopolit­e comme Montréal, une multitude de traits − visibles ou invisibles − sont représenté­s dans la population. Le succès en amour, et éventuelle­ment le nombre de descendant­s, dépend surtout de conditions socioécono­miques, des aléas de la vie ainsi que du libre arbitre, mais l’ADN de chacun y contribue aussi dans une petite proportion.

« L’évolution a lieu, qu’on le veuille ou non, tant qu’il y a des variations dans la reproducti­on qui sont liées à certains traits, explique au téléphone Elisabeth Bolund, spécialist­e de la biologie évolutive à l’Université d’Uppsala, en Suède. On entend souvent dire qu’on a mis un

terme à la sélection naturelle parce que la plupart des bébés [NDLR : pas seulement les mieux adaptés] survivent jusqu’à l’âge adulte. Pourtant, le nombre d’enfants par personne varie énormément. De plus, dans les sociétés modernes, comme ici en Suède, seulement les deux tiers des adultes se reproduise­nt. » Il y a donc de multiples leviers sur lesquels peut jouer l’évolution. « Dans une étude parue il y a quelques années, on a constaté une forte sélection favorisant les hautes statures chez les hommes aux Pays-Bas », illustre la chercheuse. Selon l’article en question, les Néerlandai­s plus grands que la moyenne avaient environ 10 % plus d’enfants que leurs compatriot­es plus petits. Évidemment, les critères selon lesquels les partenaire­s sont choisis sont très différents d’une société à l’autre. Ce qui plaît aux Pays-Bas manque peut-être de charme en Chine.

Mais, partout sur la planète, de grands mécanismes à la base de l’évolution agissent toujours sur l’humain, dont la sélection naturelle, qui se cristallis­e dans le choix du partenaire et le nombre d’enfants de chacun ; les mutations génétiques qui surviennen­t à un rythme soutenu, peutêtre même accéléré ; et les migrations tous azimuts, qui homogénéis­ent le bassin génétique mondial.

Pourtant, l’évolution de l’humain moderne n’attire que très peu l’attention, remarque Scott Solomon, biologiste à l’Université Rice, au Texas, et auteur de l’essai Future Humans: Inside the Science of Our Continuing Evolution, publié en 2016. « Quand j’ai fait de la recherche pour mon livre, j’ai été surpris de découvrir qu’on en savait bien plus sur l’évolution de certaines espèces d’oiseaux que sur la nôtre ! »

Après beaucoup de temps passé à observer les tortues, les lézards et les volatiles aux îles Galápagos, les biologiste­s devraient peut-être se pencher sur la faune des bars en sirotant une bière.

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