Alex Zandra
DÉVELOPPEUSE INDÉPENDANTE DE JEUX VIDÉOS Alex Zandra dans ses mots :
« Je m’appelle Alexandra, mais vous pouvez m’appeler Zandra. Je suis auteure, game designer, artiste, streamer, conférencière et plus encore. Je crée depuis que je suis toute petite et je n’imagine pas arrêter un jour. J’ai réalisé que j’étais une femme transgenre à 35 ans. J’aime beaucoup partager ce que j’apprends et je peux parler à l’infini quand un sujet m’enthousiasme. Je suis constamment sur les réseaux sociaux parce que c’est là que se trouvent mon auditoire et mon cercle d’amis proches. J’adore les souris et les perruques de couleur éclatante. Mon but dans la vie, c’est de changer le monde, même si c’est juste un tout petit peu. »
Au cours de votre carrière, vous êtes passée d’employée dans des studios à travailleuse autonome, mais ce n’est pas la seule transition que vous avez connue. Ce changement professionnel est aussi lié à votre coming out, n’est-ce pas ? Oui, j’ai amorcé ma transition en public il y a environ trois ans et demi. Je travaillais alors dans une compagnie de plus de 300 employés. La grande majorité d’entre eux n’avait jamais rencontré une personne transgenre de leur vie. Ce fut extrêmement éprouvant de changer ma présentation publique du jour au lendemain, en plus d’avoir à éduquer beaucoup de collègues pour leur faire comprendre ce que je vivais et aussi comment me respecter.
C’est à ce moment que vous avez réalisé ce que c’était d’être une femme dans un monde d’hommes ?
Ce fut un choc ! Par exemple, il fallait soudainement que je détaille pas mal plus mon expérience auprès de collègues qui me connaissaient moins. Les gens ne me croyaient pas quand je disais que j’avais fait plein de jeux vidéos. On me demandait qui était le programmeur qui m’avait aidée. Chaque fois que je présentais des projets de jeux ou que je rencontrais des membres de l’administration, tout d’un coup, on me questionnait davantage sur mes compétences.
Ça revient à dire que, souvent, le travail des femmes est sous-évalué par rapport à celui des hommes.
Absolument ! Avant, mes évaluations allaient toujours super bien. Après mon coming out, je n’étais plus aussi performante qu’avant. J’ai senti une grande différence. Ça demandait énormément d’énergie, en plus d’avoir à expliquer, voire justifier mon identité. C’était épuisant. J’ai fait un burnout six mois plus tard.
Que faire pour avoir plus de filles dans l’industrie des jeux vidéos ?
Les jeunes filles sont déjà intéressées ! Il faut arrêter de dire que les jeux vidéos, ce n’est pas pour les femmes. Le défi est de les pousser à y faire carrière. Si on peut avoir un environnement plus représentatif en matière d’identité de genre, de sexualité, d’ethnicité, de culture, ça donnerait de meilleurs produits. Et les employés se sentiraient plus soutenus et plus écoutés, ils développeraient leur plein potentiel. C’est le cas des plus petits studios. Leurs employés sont passionnés ! Dans les grands studios, la pression est complètement folle pour livrer des jeux en un temps record. C’est la fameuse culture du crunch. Pourtant, l’avenir du jeu passe par la syndicalisation des employés. Il ne faut pas que le pouvoir soit concentré au sommet. Le taux de roulement dans l’industrie du jeu est incroyable. Les semaines de 60, 80, 100 heures sont insoutenables. Quand les gens sont épuisés, ils partent. Mais il y en a plein pour les remplacer. C’est inhumain.
Si les femmes représentaient 50 % de la main-d’oeuvre dans les jeux vidéos, à quoi ressemblerait l’industrie ?
Ce serait une industrie encore plus passionnée, où l’on aurait des produits plus diversifiés qui atteindraient un auditoire encore plus grand. Si on a une plus grande représentativité derrière l’écran, on en aura aussi une plus grande devant l’écran.