Les questions de Rémi Quirion
SCIENTIFIQUE EN CHEF DU QUÉBEC**
RQ : Quels sont les défis et les gains d’un retour aux études à 36 ans, après 10 ans sur le marché du travail ?
MSL : Le principal défi a été le changement de mode de vie ! Revenir à un revenu d’étudiant a demandé quelques ajustements. J’ai alors eu l’occasion de découvrir la démarche zéro déchet et de me (re)définir autrement que par ma consommation !
Un retour aux études est souvent précédé d’une période d’introspection. Qu’est-ce que j’ai envie de faire ? Quelles sont mes forces ? Comment puis-je les utiliser pour contribuer au bien commun ? Par conséquent, le choix de la discipline est davantage en harmonie avec qui l’on est et qui l’on veut devenir.
RQ : À titre de chercheuse-entrepreneure, quels leviers ont été favorables dans la création de l’épicerie zéro déchet LOCO ?
MSL : En fait, les rythmes de la recherche et de l’entrepreneuriat sont extrêmement difficiles à conjuguer ! Alors que le premier exige du temps pour la réflexion, le second nécessite plutôt de la rapidité et de la réactivité, en plus d’envahir tout l’espace mental ! Le principal levier a donc été d’avoir une équipe de fondatrices chercheuses-entrepreneures. Certaines se sont spécialisées dans les opérations et la gestion des épiceries, et d’autres dans des activités de recherche. De plus, nous avons bénéficié d’un très bon accompagnement du Centre d’entrepreneuriat ESG UQAM.
Il faut aussi préciser que LOCO est un incroyable laboratoire d’expérimentation. Nous pouvons à la fois y tester et mettre en pratique des théories et connaissances scientifiques, et prendre du recul afin de favoriser les apprentissages.
RQ : À la tête des entreprises engagées dans la transition écologique, il y a des entrepreneurs tout aussi convaincus. Quelles sont les principales qualités de ces gestionnaires ?
MSL : D’abord, une compréhension profonde des crises écologiques et climatiques que nous rencontrons. Ce point est primordial, car il détermine le type de solution élaborée par l’entrepreneur. Nous ne sommes plus à l’époque où il fallait simplement polluer moins, recycler et faire attention. Aujourd’hui, il faut passer d’une économie qui détruit la nature à une économie qui protège la nature et en prend soin. Si l’on ne comprend pas cela, il est impossible d’imaginer des solutions qui règleront les problèmes à la source.
Ensuite, il faut être extrêmement motivé et persévérant. L’entrepreneur de la transition s’engage à changer un système sur lequel il n’exerce pas d’influence, mais son succès se mesure à sa capacité de le rendre plus soutenable. Pour y parvenir, l’entrepreneur doit effectuer un travail colossal des points de vue tant cognitif, institutionnel et économique que politique.