LE CHAMP MAGNÉTIQUE PERD LE NORD
Pourquoi le nord magnétique se déplace-t-il vers la Sibérie ?
Pendant des années, j’ai laissé des algorithmes très efficaces me suggérer quoi écouter sur Spotify, quoi acheter sur Amazon ou quoi regarder sur YouTube. Mais un jour, Gmail a décidé de me proposer quoi répondre à mes courriels et là, j’ai dit non !
Ces dernières années, la messagerie de Google a offert à ses utilisateurs une fonctionnalité appelée « réponses intelligentes » ( smart replies). Il s’agit de phrases toutes faites apparaissant en bas de votre courriel de réponse. Vous pouvez alors les utiliser pour confirmer que c’est « bien reçu » ou que « ce sera fait ». Vous pouvez même dire « Je t’aime » sans faire l’effort de le taper au clavier. Il vous suffit d’un clic et cette réponse s’affiche dans le corps du courriel. Il n’y a plus qu’à l’envoyer !
Ces réponses sont créées grâce à l’apprentissage automatique, l’une des applications de l’intelligence artificielle. L’algorithme de Google explore des milliards de courriels sur Gmail (y compris les vôtres), puis vous soumet des expressions tirées de cette base de données.
Selon un article du Wall Street Journal, 10 % des réponses envoyées par Gmail sont générées par l’entremise de cette fonction. Mais qui sont ces utilisateurs ? Des pdg devant répondre à 250 courriels par jour ? J’ai du mal à croire que ce soit possible en 2019, alors qu’il existe des outils de gestion de projets et des messageries instantanées professionnelles, comme Slack ou Trello. Je ne crois pas non plus à l’argument de Google voulant que cette fonction améliore notre productivité.
Et qu’en est-il de la vie privée ? Le géant californien a évidemment besoin d’analyser nos courriels afin de nous offrir la réponse la plus intelligente possible, chose qu’il fait en tout temps afin de nous signaler les pourriels par exemple. Et ce n’est qu’en 2017 que Google a annoncé qu’il cessait de scruter les courriels de Gmail dans un but publicitaire.
J’éprouve un certain malaise. Google semble vouloir remplacer mon cerveau. Si je conserve cette fonctionnalité de Gmail, qui sera vraiment l’auteur de mes courriels ? Après avoir passé des années à nous étudier, l’algorithme nous imite et nous l’imitons à notre tour en cliquant sur ces répliques suggérées. Allons-nous tous finir par écrire de façon homogénéisée, neutre et aseptisée ? Bien que je salue la prouesse technologique, je reste incapable d’embrasser cette nouveauté. Je n’ai pas envie qu’un robot me dise quoi écrire. Peut-être est-ce mon orgueil de chroniqueuse ?…