Le champ magnétique perd le nord
Çay est, le pôle Nord magnétique est passé à l’est. Il se déplace vers la Sibérie après avoir quitté l’Arctique canadien. Rassurez-vous, ce point mouvant n’a rien à voir avec le nord géographique ; l’Arctique est toujours bel et bien à sa place. Le nord magnétique, c’est le repère qu’indique n’importe quelle boussole et ce qui donne le cap aux systèmes de navigation du monde entier.
Son déplacement n’est pas nouveau : les scientifiques en sont conscients depuis le 19e siècle, et l’on sait que les pôles se sont même inversés à plusieurs reprises dans l’histoire de la planète. Mais depuis les années 1990, la vitesse de dérive du pôle Nord a plus que triplé, passant de 15 km par an à 55 km par an. Si bien que les chercheurs ont dû mettre à jour le Modèle magnétique mondial, auquel recourent les systèmes de navigation, fin janvier 2019, soit un an plus tôt que prévu. L’autre modèle le plus utilisé, le Champ géomagnétique international de référence, devra quant à lui être revu en 2020.
«Dans la plupart des régions du globe, ce n’est pas un souci pour la navigation, car la différence entre le champ magnétique réel et le dernier modèle établi reste relativement faible. Pour le pôle Nord magnétique, par contre, on a une amplification régionale de l’erreur qui est problématique, puisqu’il se déplace plus vite que prévu », explique Arnaud Chulliat, géomagnétiste à l’Université du Colorado à Boulder et à l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique.
Contrairement à ce qu’on peut penser, les pôles magnétiques Nord et Sud ne sont pas sur un même axe et se déplacent indépendamment l’un de l’autre, en fonction de la dynamique du noyau terrestre. Le champ magnétique, qui nous protège des radiations cosmiques, est en effet produit par les mouvements de convection dans le noyau externe de la Terre, essentiellement composé de fer liquide. Pourquoi le pôle Nord se déplace-t-il plus rapidement ? Les scientifiques l’ignorent. « On ne peut pas directement voir ce qu’il se passe dans le noyau ; on n’a pu mesurer que les mouvements à sa surface et ils ne nous racontent pas toute l’histoire », indique Arnaud Chulliat. Et impossible, pour l’instant, d’employer les simulations numériques de ces dynamiques, car elles reproduisent les inversions magnétiques sur des centaines de milliers d’années, mais demeurent peu fiables sur de courtes durées. Cela n’empêche pas les chercheurs d’émettre des hypothèses. Selon les travaux de Phil Livermore, géophysicien à l’Université de Leeds, au Royaume-Uni, cette accélération brusque serait due à un courant très rapide de fluides dans le noyau externe, à la hauteur de la zone polaire canadienne. Mais pour le moment, aucune hypothèse ne fait consensus. Sauf celle-ci : contrairement aux rumeurs catastrophistes qui circulent sur le Web, l’inversion totale des pôles n’est pas pour demain.