Ces machines qui vous veulent du bien
Amélioration des diagnostics médicaux, prolongement de l’autonomie, prévention du suicide : les machines dotées d’une intelligence artificielle sont appelées à révolutionner le domaine de la santé.
L’oeil qui voit tout
Interpréter des images médicales est un art. La preuve : un radiologue bien entraîné peut prendre jusqu’à une semaine pour analyser, puis interpréter une poignée de numérisations 3D du cerveau d’un seul patient. Pour repérer des tumeurs, dont l’apparence varie considérablement, le délai peut être encore plus long, souligne Christian
Desrosiers, professeur à l’École de technologie supérieure de Montréal (ÉTS). « Si l’on tient compte du salaire moyen assez élevé des radiologues, puis du volume d’analyses à effectuer, on se rend compte rapidement qu’on peut faire mieux », explique-t-il.
L’intelligence artificielle (IA) pourrait livrer de meilleures analyses d’images médicales. À force d’être exposée à des clichés de patients, la machine peut les faire parler. Mieux encore : elle est en mesure de capter certaines subtilités qui échappent même à l’oeil du plus expérimenté des cliniciens, soutient Christian Desrosiers. « Contrairement à l’humain, l’ordinateur a la capacité de déceler des patrons dans une série d’images que rien ne semble relier à priori », dit-il. Prudence, cependant : cette technologie est loin d’avoir fait ses preuves. Le jour où des algorithmes assisteront, voire remplaceront des radiologues n’est pas encore arrivé.
Reste qu’elle démontre du potentiel. Ainsi, dans le cadre d’un projet mené en collaboration avec des chercheurs du Centre universitaire de santé McGill, l’IA entraînée par l’équipe de Christian Desrosiers et « emprisonnée » dans un logiciel est parvenue à se prononcer correctement sur la situation de patients atteints d’un cancer du cerveau 80 % du temps. Pour ce faire, elle a distingué des marqueurs prédictifs (la dimension de la tumeur, son emplacement, sa taille…) à partir d’une centaine d’images médicales préalablement annotées à la main par des cliniciens. « L’algorithme a pu reconnaître la maladie, en déterminer le stade, puis dire si le patient se situait en haut ou en bas de la moyenne du taux de survie », précise l’expert.
Pour atteindre un score proche de 100 %, des milliers de clichés auraient été nécessaires. Or, de tels jeux de données n’existent pas au Québec à l’heure actuelle. « Ce n’est pas qu’il manque d’images médicales à analyser, mais bien qu’elles ne sont pas nécessairement annotées », nuance Christian Desrosiers, qui compte néanmoins sur de vastes bases de données ouvertes, comme l’UK Biobank, afin de pallier ce problème.