Cuisinière, dis-moi, le rond est-il éteint ?
Déménager dans un centre de soins se fait rarement de gaieté de coeur. Et pour cause : cette transition signifie de faire une croix sur son indépendance, synonyme de qualité de vie. Ce deuil pourrait être différé grâce aux recherches du Laboratoire d’intelligence ambiante pour la reconnaissance d’activités (LIARA) de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). « Nos travaux concernent les personnes en perte d’autonomie, semi-autonomes et qui souffrent de maladies neurodégénératives, comme l’alzheimer. Nous collaborons aussi à des projets sur la dystrophie myotonique de type 1, qui ne touche que l’adulte », énumère Sébastien Gaboury, directeur du LIARA.
Les habitats intelligents imaginés par le LIARA sont dotés de dizaines de capteurs qui suivent en temps réel les faits et gestes de leurs occupants. Oubliez les caméras, jugées trop intrusives pour la vie privée; on parle ici d’accéléromètres, de gyroscopes, de capteurs infrarouges. Bref, d’espions dont on oublie la présence, mais qui produisent néanmoins des tonnes de signaux. Le but : traiter, analyser et interpréter ces données afin de brosser un tableau clair et net d’une situation. « Ça va aussi loin que de fusionner, au sein d’un même algorithme, les informations relatives au déplacement avec celles sur le débit d’eau d’un lavabo. C’est ainsi qu’on arrive à construire une librairie des activités de la vie quotidienne, comme se préparer des pâtes ou laver sa vaisselle », illustre Kévin Bouchard, professeur de mathématiques et membre du LIARA.
Le LIARA travaille depuis peu avec des intervenants du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du CentreSud-de-l’Île-de-Montréal afin d’établir l’emploi du temps de patients aux prises avec une légère déficience cognitive. Les détecteurs de mouvements et autres prises intelligentes installées par l’équipe de Sébastien Gaboury permettent par exemple de répondre à ces questions : combien de temps passent-ils à dormir ? Vont-ils à la salle de bain souvent durant la nuit ? Se nourrissent-ils trois fois par jour ? « Au bout de trois mois de collecte de données, on connaît la routine d’un individu. S’il en déroge, ça peut devenir une information clinique intéressante », mentionne-t-il.
Sans surprise, l’industrie est aux aguets. Des entreprises comme Samsung, IBM et Bosch planchent, semble-t-il, sur les prochaines générations d’appareils électroménagers intelligents. « Nous côtoyons des chercheurs issus des laboratoires privés de ces multinationales lors des congrès scientifiques auxquels nous participons. Rendre nos habitats véritablement intelligents fait assurément partie de leurs objectifs », indique Sébastien Gaboury.