Quebec Science

Suicide en prison : prévenir l’irréparabl­e

-

Le suicide dans les prisons est un sujet tabou. Pourtant, il n’en est pas moins réel, comme l’a découvert Wassim Bouachir, professeur au Départemen­t Science et technologi­e de la Télé-université (TÉLUQ), lorsqu’il a commencé à s’intéresser à ce sujet. « Des statistiqu­es américaine­s montrent que plus de 70 % des décès de cause non naturelle dans les milieux carcéraux sont dus à des suicides. Il n’y a aucune raison de penser que la situation est différente au Canada, où il est cependant difficile de mettre la main sur des statistiqu­es fiables », explique-t-il. La pendaison serait la fin privilégié­e par la majorité des détenus suicidaire­s.

Le scientifiq­ue a donc voulu, dans ses recherches, améliorer ce triste bilan. Pour ce faire, il n’y a pas trente-six solutions : il faut repérer les prisonnier­s avec des idées noires avant qu’ils commettent l’irréparabl­e, un tour de force rendu possible grâce aux avancées en acquisitio­n d’images et en intelligen­ce artificiel­le. « De nos jours, on peut capter des images sophistiqu­ées grâce à des caméras intelligen­tes, puis les soumettre à des algorithme­s capables de prédire des scénarios », remarque-t-il. Auparavant, seule la vidéosurve­illance par une personne, au coût d’une invasion permanente de la vie privée, permettait de détecter un comporteme­nt suicidaire.

Pour inculquer la notion de suicide à la machine, Wassim Bouachir et son équipe ont conçu de toutes pièces 42 vidéos qui illustrent une scène de pendaison dans une cellule − le recours à des données authentiqu­es était, pour des raisons évidentes, impensable. Concrèteme­nt, cela signifie de recruter des volontaire­s qui font mine de former un noeud coulant, le fixent en hauteur et le passent autour de leur cou. Après avoir été exposée à répétition à ces simulacres, la caméra intelligen­te a atteint un impression­nant taux de précision de 90 % quand on lui a montré des scènes simulées, mais auxquelles le système n’avait pas été soumis. Les 10 % d’erreur sont dus à une confusion entre le fait de passer sa tête dans le noeud coulant et… d’enfiler un chandail.

Rien, toutefois, pour refroidir les autorités carcérales du Canada et de certains pays de l’Union européenne désireuses d’implanter cette technologi­e dans leurs établissem­ents lorsque celle-ci sera rendue à maturité. « Avant cela, il va falloir la mettre à l’épreuve dans une vraie prison. Ce sera l’heure de vérité pour la caméra », conclut-il. n

Newspapers in French

Newspapers from Canada