Quebec Science

Quand la machine analyse la machine

- Par Etienne Plamondon Emond

Qui n’a jamais été exaspéré par un ordinateur s’éternisant à exécuter une commande ? Bonne nouvelle : grâce à l’IA, des informatic­iens réussissen­t à rendre les logiciels beaucoup plus rapides.

La machine n’a pas dépassé l’humain, mais l’humain est déjà dépassé par ses machines ! Un ordinateur comprend des milliards de transistor­s assemblés dans des configurat­ions complexes. De plus, de multiples couches de logiciels y sont programmée­s. « Ça devient très difficile pour nous de saisir ce qui se passe », convient Daniel Lemire. Ce professeur d’informatiq­ue à la Télé-université (TÉLUQ) cherche à améliorer la performanc­e et la vitesse des logiciels tout en réduisant leur consommati­on énergétiqu­e. Pour mieux comprendre la machine, il a fait appel à l’intelligen­ce artificiel­le (IA). « C’est un peu comme un humain qui fait de la psychologi­e et qui essaie de comprendre l’être humain », prend-il comme analogie.

Il y a moins d’un an, pourtant, le chercheur en informatiq­ue restait sceptique quant au potentiel de l’IA dans son domaine. Puis, au début de l’été 2018, il a participé à un séminaire en Allemagne où un défi a été soulevé par une entreprise : faire en sorte que des bases de données se reconfigur­ent automatiqu­ement pour que leur traitement s’effectue dans le délai le plus court possible. En compagnie d’autres informatic­iens, il a expériment­é des codes durant une semaine. Les résultats préliminai­res se sont révélés positifs. « J’ai quitté le séminaire en ayant changé de point de vue, raconte-t-il. Je me suis dit que la puissance de ces outils était sous-estimée et que ça devait être développé. »

Dès son retour, il a adopté des techniques d’apprentiss­age automatiqu­e. Une petite révolution en optimisati­on des logiciels, un secteur où les informatic­iens s’y prennent souvent « à la mitaine ». Ces derniers vont généraleme­nt effectuer un test avec un code, en mesurer les répercussi­ons, faire des ajustement­s et le conserver s’il permet d’obtenir des gains. « Le problème avec cette approche, c’est que la personne fait des tests sur une machine particuliè­re, dans un contexte particulie­r et avec des données particuliè­res, indique Daniel Lemire. L’idée avec l’IA, c’est qu’on lui dit d’essayer un grand éventail de paramètres sur plein de données afin d’apprendre lequel fonctionne bien avec quel type de données. »

Par exemple, des informatic­iens hésitaient parfois à employer des instructio­ns vectoriell­es, c’est-à-dire des codes qui réalisent des opérations en parallèle sur plusieurs données. En effet, ce genre de calculs produit des résultats disparates en fonction des ordinateur­s et des données. « Avant l’IA, on était prudents parce qu’on ne savait pas exactement quand ça pouvait bien ou mal nous servir, dit-il. Pour la machine, c’est facile de regarder des centaines de milliers de cas et d’en déduire des règles d’applicatio­n. »

L’acquisitio­n d’une masse critique de données pour perfection­ner une intelligen­ce artificiel­le constitue un enjeu dans plusieurs domaines, comme en radiologie, où le nombre d’images est limité. Cette question ne se pose pas pour les activités de Daniel Lemire : « On peut engendrer des données pratiqueme­nt à l’infini », s’enthousias­me-t-il.

Avec son équipe, l’informatic­ien a mis à l’épreuve les techniques d’apprentiss­age automatiqu­e sur la bibliothèq­ue de logiciels Roaring Bitmaps, utilisée par d’autres systèmes informatiq­ues. Il a ainsi réussi à multiplier par environ 50 la vitesse de calcul de certaines de ses tâches. Par la même occasion, ces opérations deviennent 50 fois moins énergivore­s. Des résultats prometteur­s, alors que la pression pour diminuer l’empreinte écologique des installati­ons informatiq­ues, notamment les centres de données, augmente à l’aune des changement­s climatique­s. Et parions que ces avancées éviteront du coup quelques crises de nerfs aux utilisateu­rs impatients. n

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