Quebec Science

Les 10 découverte­s de l’année au Québec

EN PLONGEANT DANS LES RAPPORTS DES ARPENTEURS DES 19e ET 20e SIÈCLES, ON A RECONSTITU­É L’ÉVOLUTION DE LA FORÊT QUÉBÉCOISE. L’INFLUENCE DES PERTURBATI­ONS HUMAINES Y EST ÉVIDENTE.

- Par Joël Leblanc

Écologie, biologie, oncologie, neuroscien­ces, chimie : découvrez les percées majeures effectuées par des chercheurs québécois en 2019 qui ont impression­né notre jury.

Chaque année, les chercheurs du Québec signent plus de 17 000 articles scientifiq­ues*, un nombre qui ne cesse de croître. Certaines études retiennent l’attention médiatique. D’autres, malgré leurs qualités indéniable­s, passent inaperçues. Pour une 27e année d’affilée, nous avons lancé un appel aux chercheurs afin qu’ils nous soumettent leurs travaux. Nous avons reçu une centaine de propositio­ns, qui ont été minutieuse­ment examinées par notre jury, composé de scientifiq­ues et de journalist­es. Sa mission : choisir les 10 découverte­s québécoise­s les plus impression­nantes de la dernière année.

Quels sont nos critères ? Chaque découverte doit avoir été publiée dans une revue savante et fait l’objet d’un processus de révision par les pairs entre le 1er octobre 2018 et le 31 octobre 2019. Il doit s’agir d’une percée ou d’une avancée majeure dans un domaine de la recherche fondamenta­le ou appliquée. Et, évidemment, la découverte doit nous éblouir, tant par ses résultats et sa méthodolog­ie que par ses retombées potentiell­es.

Sans plus tarder, voici notre sélection ! * Données comptabili­sées en 2018 à partir des publicatio­ns indexées dans le Web of Science, selon l’Observatoi­re des sciences et des technologi­es.

L ’arpenteur Georges Garon est entré dans les bois à l’automne 1884 avec neuf hommes : des chasseurs, des bûcherons, un cuisinier, un saleur de lard… Dans les hauteurs du Bas-Saint-Laurent, comme d’autres équipes dans la province, ils ont passé l’hiver à parcourir la forêt et à planter les jalons des nouveaux cantons qui s’ouvraient aux colons.

Pour Dominique Arseneault, professeur d’écologie forestière à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), les centaines de carnets de notes laissés par des arpenteurs comme Georges Garon, de 1780 à 1940, sont une mine d’informatio­ns inestimabl­e pour décoder l’histoire ancienne de la forêt québécoise et l’évolution de sa biodiversi­té depuis le début de l’ère industriel­le.

« Ils ont sillonné nos forêts pendant plus de 150 ans et ont laissé des informatio­ns très détaillées sur le territoire − parfois plus fouillées que les inventaire­s modernes. À chaque mille, à chaque poteau planté, ils décrivaien­t l’environnem­ent, indiquant aussi les essences d’arbres. C’était dans leur mandat : décrire les ressources potentiell­es pour les futurs habitants », relate-t-il.

Depuis 15 ans, le chercheur et ses cohortes d’étudiants déchiffren­t les pattes de mouches séculaires, associent les noms communs aux bonnes espèces d’arbres − qu’est-ce que le blackwood ? et l’épinette rouge ? − et entrent tous ces renseignem­ents dans une immense base de données.

C’est Victor Danneyroll­es, chercheur postdoctor­al, qui a scruté l’énorme quantité de données et l’a convertie en une carte forestière du sud du Québec, de la Gaspésie à l’Outaouais. Une sorte de photo satellite du passé, montrant la forêt d’autrefois, où chaque couleur représente une essence forestière. Le tout a fait l’objet d’une publicatio­n dans Nature Communicat­ions en mars 2019.

Constatati­on : la forêt a changé radicaleme­nt. Les résineux, notamment, ont écopé. « Avant 1900, explique-t-il, il y avait énormément de sapins, d’épinettes et de thuyas. La forêt d’aujourd’hui, où l’on trouve beaucoup d’essences tolérantes aux perturbati­ons, surtout l’érable et le peuplier, n’est pas très représenta­tive de ce qu’elle a déjà été. »

Ces changement­s pourraient-ils avoir été causés par les bouleverse­ments du climat ? « Nous montrons que les activités humaines comme le déboisemen­t et l’exploitati­on forestière ont eu des conséquenc­es majeures, continue Victor Danneyroll­es. Par comparaiso­n, l’effet des modificati­ons de températur­e et de précipitat­ions sur cette période a été soit minime, soit complèteme­nt indécelabl­e dans l’effet dominant des chambardem­ents provoqués par les humains. »

Malgré les changement­s climatique­s majeurs à venir au 21e siècle, les écosystème­s pourraient donc être encore plus sensibles aux répercussi­ons directes des perturbati­ons humaines.

En 2003, la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise recommanda­it de privilégie­r l’aménagemen­t écosystémi­que, c’est-à-dire de prendre en compte la dynamique naturelle des écosystème­s. Mais quelle est cette dynamique naturelle ? Les travaux de Dominique Arseneault et ses collègues révèlent une forêt de référence qui pourrait servir de base solide.

Georges Garon et ses confrères arpenteurs ne se doutaient sûrement pas que, un siècle ou deux après leur passage, la forêt aurait tant changé qu’il nous faudrait replonger dans leurs écrits pour avoir une idée de sa biodiversi­té d’origine.

/// Ont aussi participé à la découverte : Sébastien Dupuis, Gabriel Fortin, Marie Leroyer, André de Römer et Raphaële Terrail (UQAR), Mark Vellend (Université de Sherbrooke), Yan Boucher et Jason Laflamme (ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec) ainsi qu’Yves Bergeron (UQAM et UQAT).

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 ??  ?? Plan issu de campagnes d’arpentage du 19e siècle sur lequel figurent les espèces d’arbres relevées par les arpenteurs sur le terrain. • IMAGES : ARCHIVES DU GREFFE DE L’ARPENTEUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC • SHUTTERSTO­CK.COM
Plan issu de campagnes d’arpentage du 19e siècle sur lequel figurent les espèces d’arbres relevées par les arpenteurs sur le terrain. • IMAGES : ARCHIVES DU GREFFE DE L’ARPENTEUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC • SHUTTERSTO­CK.COM

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