Quebec Science

On s’appelle ?

- CHLOÉ FRESLON @f_chloe

Je me souviens précisémen­t du jour, au début des années 1990, où mes parents m’ont appris à me servir d’un téléphone à cadran rotatif. Je me rappelle aussi que ma soeur jumelle et moi nous chamaillio­ns pour être celle qui décrochera­it le combiné.

Les temps ont changé. L’appel téléphoniq­ue est mort. Le décès a été constaté à l’automne 2007, lorsque le nombre mensuel moyen de messages textes envoyés a dépassé celui des coups de téléphone. En 2015, un quart des utilisateu­rs de téléphones intelligen­ts au Royaume-Uni ne passaient même pas un minimum d’un appel vocal par semaine. Pourquoi ?

Tout d’abord, il y a une raison assez évidente : la multiplica­tion des options de communicat­ion. Un texto, un message sur Slack, Messenger, WhatsApp, etc., est si facilement envoyé ! Et outre, vous pouvez y ajouter un emoji ! La communicat­ion écrite nous permet ainsi de participer à la conversati­on au rythme que nous choisisson­s. La messagerie instantané­e et le courriel sont également une forme de politesse. En appelant directemen­t quelqu’un, sans lui avoir demandé au préalable par écrit s’il était disponible, c’est présumer que cette personne le sera forcément. On lui impose donc notre horaire. Par ailleurs, il est désormais plutôt légitime de se méfier de la sonnerie de son téléphone : les appels de télémarket­ing non sollicités pullulent. En 2018, le tiers des Canadiens disaient en recevoir plus d’un par semaine, selon le Conseil de la radiodiffu­sion et des télécommun­ications canadienne­s. Toutefois, il y a un aspect pernicieux à ne plus se téléphoner. Les appels deviennent si exceptionn­els que, lorsqu’ils se produisent, on craint le pire. « Qu’est-ce qui se passe ? » demandera-t-on systématiq­uement à son interlocut­eur.

Malgré toutes ces raisons, il reste que se parler au téléphone, « comme dans le bon vieux temps », apporte d’agréables moments. Vous pouvez négocier sans allersreto­urs de courriels pendant trois jours. Vous goûtez la joie de la rétroactio­n instantané­e. Imaginez faire une blague à un ami ou une amie et l’entendre rire en direct. Quel bonheur ! Et si une phrase maladroite est prononcée, pas de problème : non seulement il n’en restera aucune trace, mais on pourra clarifier la situation rapidement. En effet, il est plus facile de faire baisser la tension, car la communicat­ion orale permet tellement plus de subtilités.

En 2017, le magazine américain Wired annonçait le grand retour du coup de téléphone. Je ne l’ai pas perçu, mais j’avoue secrètemen­t souhaiter que mes amies m’appellent plus souvent.

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