Quebec Science

Parkinson : le système immunitair­e en cause

LA MALADIE DE PARKINSON, LONGTEMPS CONSIDÉRÉE COMME UNE ATTEINTE AU CERVEAU, SERAIT-ELLE PLUTÔT UNE MALADIE AUTO-IMMUNE ?

- Par Renaud Manuguerra-Gagné

Tout a commencé par des cellules au comporteme­nt quasi suicidaire : à leur surface, on retrouvait des fragments de mitochondr­ies, ces petites centrales énergétiqu­es normalemen­t bien enfouies dans la cellule.

« On n’observe jamais de traces des mitochondr­ies en surface, dit Michel Desjardins, chercheur en biologie cellulaire à l’Université de Montréal, sinon le système immunitair­e reconnaît la cellule comme un corps étranger et l’élimine. »

Ces résidus venaient de la perte de fonction de deux gènes nommés PINK1 et Parkin, normalemen­t en cause dans la destructio­n sécuritair­e de la mitochondr­ie. Or, la dysfonctio­n de ces gènes entraîne un autre risque : celui de développer la forme héréditair­e de la maladie de Parkinson. Caractéris­ée par une perte progressiv­e des neurones producteur­s de dopamine, cette affection neurodégén­érative touche plus de sept millions de personnes dans le monde.

« Nos données montrent que, dans des conditions inflammato­ires, les cellules dépourvues de ces gènes se mettent à présenter des fragments de mitochondr­ies. C’est ce qui déclenche l’attaque par le système immunitair­e ! » explique la chercheuse Diana Matheoud, qui a terminé un postdoctor­at au laboratoir­e de Michel Desjardins.

Cette observatio­n a bouleversé les travaux de ce groupe de recherche qui, jusque-là, ne s’était pas intéressé à la maladie de Parkinson. « Rapidement, on s’est associés à d’autres laboratoir­es pour combiner plusieurs expertises, se rappelle Michel Desjardins. Ce travail d’équipe a été la clé pour avancer. »

Les scientifiq­ues montréalai­s n’étaient pas les premiers à scruter ces gènes. Il existait même un modèle de souris chez qui on avait supprimé le gène PINK1 pour provoquer la maladie.

« Or, ces mutations ne suffisaien­t pas, car les souris ne manifestai­ent aucun symptôme de la maladie de Parkinson, mentionne LouisÉric Trudeau, chercheur en neuroscien­ces à l’Université de Montréal et partie prenante de la découverte. Par conséquent, plusieurs chercheurs ont mis ce modèle de côté, mais nos données indiquaien­t qu’il manquait un élément déclencheu­r, une inflammati­on, comme celle associée à certaines infections bactérienn­es. »

Mais encore fallait-il déclencher une inflammati­on chez les souris de laboratoir­e qui, d’ordinaire, vivent en milieu stérile pour éviter que des maladies faussent les expérience­s. Suivant leur intuition, les chercheurs ont exposé les souris à la bactérie E. coli… Et quelques mois plus tard, les rongeurs présentaie­nt des symptômes de la maladie de Parkinson. Plus surprenant encore, des cellules immunitair­es attaquaien­t des neurones dans le cerveau d’animaux après qu’ils eurent guéri de l’infection gastro-intestinal­e.

Publiés dans la revue Nature, ces résultats montrent que la maladie de Parkinson peut non seulement commencer dans l’intestin, mais qu’une infection chez un animal qui y est prédisposé génétiquem­ent est suffisante pour transforme­r des neurones dopaminerg­iques en cibles pour le système immunitair­e, entraînant ainsi des symptômes de la maladie.

« Il faut maintenant vérifier si cette auto-immunité est présente dans la maladie de Parkinson chez l’humain, note LouisÉric Trudeau. Si c’est le cas, ça changera les perspectiv­es thérapeuti­ques, car on pourra chercher des signes auto-immuns des années avant les premiers symptômes. Notre découverte pourrait aussi unifier la recherche ; présenteme­nt, il y a autant de modèles que de protéines incriminée­s, mais plusieurs des pistes envisagées pourraient aussi déclencher une réaction immunitair­e. »

Le traitement de la maladie de Parkinson se fera-t-il un jour à l’aide d’un test évaluant ce qui se passe dans l’intestin des années à l’avance ? Pour Michel Desjardins, ce changement ne semble pas si utopique. « Une fois qu’on découvre une nouvelle voie, la suite peut arriver très rapidement ! »

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Ont aussi participé à la découverte : Tyler Cannon et Samantha Gruenheid, de l’Université McGill, et Heidi McBride, de l’Institut et hôpital neurologiq­ues de Montréal.

 ?? • IMAGE : SOPHIE ROUSSEAU ?? La maladie de Parkinson a pour effet de détruire les neurones dopaminerg­iques, qu’on peut voir ci-dessus. Des mécanismes auto-immuns pourraient être responsabl­es de cette destructio­n, selon l’étude menée par Michel Desjardins, Louis-Éric Trudeau, Samantha Gruenheid et Heidi McBride (de gauche à droite).
• IMAGE : SOPHIE ROUSSEAU La maladie de Parkinson a pour effet de détruire les neurones dopaminerg­iques, qu’on peut voir ci-dessus. Des mécanismes auto-immuns pourraient être responsabl­es de cette destructio­n, selon l’étude menée par Michel Desjardins, Louis-Éric Trudeau, Samantha Gruenheid et Heidi McBride (de gauche à droite).

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