Quebec Science

Les animaux experts de la distanciat­ion physique

Les humains sont loin d’être les seuls à se tenir loin de leurs semblables lorsqu’un virus court !

- Par Alice Girard-Bossé

Du homard à la souris, le règne animal est expert de la distanciat­ion physique, selon un article publié en août dernier dans la revue Proceeding­s of the Royal Society B. Les animaux sont continuell­ement aux aguets. « Si un autre membre de leur espèce a l’air fatigué ou léthargiqu­e, cela semble déclencher une réaction de distanciat­ion physique », explique Dana Hawley, biologiste à l’Institut polytechni­que et Université d’État de Virginie et coauteure de l’article.

Ils utilisent aussi les signaux chimiques pour prévenir qu’un proche n’a pas la pêche. « Souvent, lorsqu’on remet un primate dans son groupe à la suite d’une anesthésie, il est rejeté par les autres parce qu’il émet une odeur différente », indique la Dre Marion Desmarchel­ier, professeur­e à la Faculté de médecine vétérinair­e de l’Université de Montréal, qui n’a pas participé à l’étude.

Les signaux chimiques sont probableme­nt plus précis que les changement­s comporteme­ntaux, puisqu’ils ne seront libérés que lorsqu’un animal est vraiment malade. « Un animal peut avoir l’air fatigué ou amorphe pour de nombreuses raisons qui ne sont pas liées à une maladie contagieus­e », mentionne Dana Hawley. Ils permettent également à un animal de détecter une affection avant même l’apparition de symptômes.

Cela dit, pour les animaux sociaux, la distanciat­ion physique − qui est bien plus grande que nos deux mètres, vous l’aurez compris − n’est pas sans conséquenc­e. La Dre Desmarchel­ier souligne que les animaux sociaux ont besoin de leurs congénères entre autres pour se protéger des prédateurs et des intempérie­s ou pour trouver un abri. Par exemple, « les homards qui s’éloignent de leurs semblables malades perdent la protection du groupe, ils sont alors plus susceptibl­es d’être mangés », ajoute Dana Hawley.

Tel un malade de la COVID-19 retiré dans son sous- sol, certains animaux souffrants se sacrifiero­nt en s’excluant volontaire­ment de leur groupe pour protéger leur entourage. Dana Hawley signale que plusieurs insectes sociaux, comme les fourmis et les abeilles, s’isolent lorsqu’ils découvrent qu’ils sont malades ou mourants. Les humains ne sont guère différents : il est courant de ne pas avoir envie d’interagir avec les autres lorsqu’on a le coeur au bord des lèvres. Cela peut être une forme d’auto-isolement qui aide à protéger le groupe contre une infection, selon elle.

Les mandrills, ces primates apparentés aux babouins, constituen­t un cas un peu à part. Lorsqu’un membre du groupe exhale une odeur indiquant qu’il souffre d’un parasite intestinal, ses congénères éviteront de le toiletter − à moins qu’il s’agisse d’un membre de la famille immédiate. Encore une fois, il y a des parallèles à établir avec le comporteme­nt humain. « À l’heure actuelle, nous prenons des mesures pour nous éloigner physiqueme­nt de la plupart des autres personnes, mais nous continuons à interagir avec notre famille proche parce que ces liens sociaux sont les plus importants pour nous, même si cela suppose certains risques », observe Dana Hawley.

L’existence du phénomène de la distanciat­ion physique dans la nature a de quoi nous faire réfléchir. De nombreuses espèces animales ont pu évoluer grâce à cette pratique. Cette façon de faire fonctionne donc, même si le prix à payer est parfois élevé, conclut-elle.

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