Les questions de Rémi Quirion
SCIENTIFIQUE EN CHEF DU QUÉBEC**
RQ : Que représente le prix Keith Laidler pour vous ? Quel élan donne-t-il à votre carrière ?
FV : Ce prix souligne de nombreuses années de travail consacrées au domaine des nanoparticules luminescentes dopées aux terres rares. Bien que le Canada possède d’importantes réserves de ces métaux, peu de chercheurs au pays s’y intéressent de près. Pourtant, ces éléments sont utilisés dans un grand nombre de nos produits quotidiens tels que les écrans, les téléphones portables, les automobiles, etc. Avec la collaboration de collègues d’autres secteurs, mon objectif est de faire du Canada un acteur majeur de l’industrie des terres rares, notamment pour leur application en médecine.
RQ : Vous dites qu’il faudra encore 10 ans avant de voir vos travaux appliqués en clinique. Voyez-vous une utilisation à plus court terme de ceux-ci ?
FV : Tout à fait, surtout pour des applications qui ne nécessitent pas d’approbation clinique. Par exemple, certaines des émissions luminescentes de ces nanoparticules sont sensibles à la température. Nous y avons donc eu recours comme nanothermomètres sans contact et non invasifs pour mesurer la température de cellules vivantes [in vitro]. Grâce à ces dernières, on peut étudier de nombreux processus biologiques fondamentaux, puisque la température est un paramètre clé en biologie. Compte tenu de leurs propriétés optiques polyvalentes, les nanoparticules luminescentes peuvent également servir de sondes d’imagerie en remplaçant les colorants organiques traditionnels. De plus, nous étudions leur potentiel comme capteurs fluorescents pour détecter des maladies, des agents pathogènes et même des contaminants dans l’eau.
RQ : Croyez-vous que la société a une bonne compréhension de ces incontournables délais entre les succès en laboratoire et leur application clinique ?
FV : Je sais que plusieurs personnes atteintes de maladies comme le cancer ont le coeur brisé quand elles comprennent que nous sommes encore loin du but. Après la publication d’un article sur notre travail, un homme a laissé un message dans ma boîte vocale au bureau. Sa soeur souffrait d’un cancer et il espérait que je pourrais l’aider. En toute honnêteté, c’est la partie la plus difficile de mon travail. Ce type de recherche peut être très long, mais nous devons faire confiance au processus.