Quebec Science

Réaliser certains tours de magie devant un public à plumes, à poil ou à tentacules pourrait aider à comprendre la cognition animale.

- Par Dominique Wolfshagen

Comment un oiseau réagit-il si, au lieu de sortir d’un chapeau de magicien, il devient spectateur du tour de magie ? Et un singe? une pieuvre ? L’idée fait sourire, mais des chercheurs en font l’expérience le plus sérieuseme­nt du monde. C’est notamment le cas d’Elias Garcia-Pelegrin, candidat au doctorat en psychologi­e expériment­ale à l’Université de Cambridge et premier auteur d’un article sur le sujet paru à la rubrique « Perspectiv­es » de la revue Science en septembre 2020.

Il explique que, dans les tours de passe-passe, quand le prestidigi­tateur recourt à sa dextérité pour faire disparaîtr­e ou apparaître des objets, c’est la transgress­ion des attentes du spectateur qui suscite la réaction (surprise, amusement, incompréhe­nsion, etc.). Mais les humains ne sont pas les seuls sur qui cela fonctionne : le Web regorge de vidéos où des animaux se font prendre et réagissent tout autant.

« Certains animaux usent de duperie entre eux, dans la nature ! Par exemple, on sait que les corvidés [famille d’oiseaux incluant le corbeau, le geai et la pie] font semblant de cacher de la nourriture quelque part quand d’autres corvidés les regardent, puis ils vont réellement la dissimuler ailleurs pendant que leurs congénères examinent la fausse cache », souligne Elias Garcia-Pelegrin, qui a déjà travaillé comme gardien de zoo et magicien. De façon similaire, des chimpanzés détournent parfois le regard de leur objet de convoitise pour ne pas attirer l’attention de leurs pairs sur l’objet en question.

Ce constat soulève plusieurs questions : quels tours de magie fonctionne­nt auprès de quels animaux et de quelles façons répondent-ils ? Mais surtout, quel élément du tour en assure le succès et qu’est-ce que cela enseigne sur la manière dont l’animal perçoit et décode le monde?

Avec d’autres membres de son laboratoir­e, Elias Garcia-Pelegrin explorera ces questions dans les années à venir en travaillan­t avec les corvidés, les singes et les céphalopod­es. Ces espèces sont de bonnes candidates, puisqu’elles portent attention aux manipulati­ons des expériment­ateurs en plus de pouvoir interagir avec eux. Les animaux peuvent ainsi indiquer où ils croient qu’un objet se trouve après sa disparitio­n, ce qui permet de mettre en lumière leur raisonneme­nt par rapport au tour de magie.

« L’utilisatio­n du terme magie est récente, mais l’idée d’aller à l’encontre des attentes des spectateur­s n’est pas nouvelle : on utilise des trucages de cette nature- là depuis plusieurs décennies pour étudier les animaux », mentionne Sylvain Fiset, professeur et chercheur dans le domaine de la cognition canine au campus d’Edmundston de l’Université de Moncton. Il y fait appel lui-même pour tester les limites intellectu­elles du chien. Dans une récente expérience dont les résultats seront soumis pour publicatio­n prochainem­ent, son équipe démontre que les chiens ne comprennen­t pas les déplacemen­ts invisibles.

Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont fait rouler devant des chiens une balle dans un long tuyau transparen­t, mais dont la dernière section était opaque. Au lieu de chercher la balle au bout du parcours, les chiens essayaient systématiq­uement de la trouver là où le tuyau perdait sa transparen­ce. Et le résultat était identique si l’on ouvrait le tuyau pour montrer au chien que la balle y circulait dans toute la longueur.

Sylvain Fiset croit que le chien n’aurait pas développé davantage certaines capacités cognitives simplement parce qu’il n’en a pas besoin ; il peut s’appuyer sur d’autres forces, comme son odorat.

Selon lui, les gens auraient tendance à surestimer l’intelligen­ce des chiens. « C’est peut-être justement parce qu’ils sont un peu naïfs qu’ils sont agréables à avoir comme compagnons ! » note-t-il avec amusement, précisant que cela n’enlève rien à l’extraordin­aire relation qu’on peut développer avec eux.

Que les scientifiq­ues utilisent la magie pour briser nos illusions, voilà qui ne manque pas de chien !

Cela peut paraître contre-intuitif pour une chroniqueu­se techno, mais je n’aime pas changer mes habitudes technologi­ques. J’aime que mon ordinateur reste le même, que les boutons soient toujours au même endroit. La vérité, c’est que je vieillis et que je me plais à prendre mon temps. Depuis peu, j’ai encore plus envie que les choses aillent à mon rythme. C’est dans ce contexte que je suis tombée sur le « Web lent » ( en anglais).

Ce mouvement a suscité l’attention à quelques reprises au cours de la dernière décennie, mais depuis 2018, il semble être tombé dans l’oubli. Il est temps qu’on le ressuscite et qu’on se l’approprie.

Pour comprendre le Web lent, il faut d’abord comprendre ce qu’est le Web rapide : faire défiler des pages pendant si longtemps qu’on s’y perd ; cliquer sur une notificati­on ; lire un article sans prendre la peine de réfléchir ; cliquer encore sur une notificati­on ; consommer compulsive­ment vidéo après vidéo ; cliquer sur une énième notificati­on. Pour emprunter les mots de l’écrivain Jack Cheng, c’est l’équivalent numérique du sel, du sucre et du gras. C’est la peur de rater quelque chose. C’est le besoin de savoir ce qui se passe à la minute près. Et c’est comme la malbouffe : ça nous laisse avec un sentiment de vide. Et pourtant, une demi-heure après, on recommence.

Les adeptes du Web lent laissent leurs pensées se poser après avoir lu un article, concoctent une argumentat­ion réfléchie dans un billet de blogue, passent du temps de qualité dans un réseau social. Ils vivent le moment présent en étant pleinement conscients de ce qu’ils font.

Depuis quelque temps, j’adopte de nouvelles habitudes. Je ne commence pas la lecture d’un article à moins d’avoir la certitude de le finir. Si un onglet est ouvert depuis plus d’un mois et que je n’y ai pas navigué, je le supprime. Je n’ai aucune notificati­on sur mon cellulaire, mis à part les messages textes. Je regarde sur YouTube des vidéos de plantes qui poussent ou des rénovation­s de maisons ancestrale­s qui s’étirent dans le temps.

Le mouvement du Web lent n’est pas qu’une question d’approche ; il se traduit également par des plateforme­s technologi­ques. Il y a HTML Energy, une communauté qui mise sur le « pouvoir du HTML » afin de montrer à quel point la création de sites Web peut être simple et directe. Il y a aussi Spire Health, un capteur se fixant sur vos vêtements et qui vous récompense lorsque vous prenez le temps de respirer profondéme­nt.

Je vous encourage à créer votre version du Web lent, à vous y ressourcer tout doucement. Faites-en un Web rassurant et apaisant.

On sent une certaine exaspérati­on chez les chimistes depuis quelques années. Un énervement qui les gagne toujours en automne, pendant la semaine d’octobre où sont remis les prix Nobel. Leur message est toujours le même : « On vous aime beaucoup, chers biologiste­s, vous faites du beau travail, mais laissez notre prix Nobel tranquille, d’accord ? » L’automne dernier, c’est l’attributio­n du Nobel de chimie à Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentie­r, pour la mise au point de l’extraordin­aire outil d’édition génétique CRISPR-Cas9, qui a fait tiquer certains chimistes. Aucun d’entre eux ne conteste que ces deux chercheuse­s méritaient cette prestigieu­se distinctio­n − la révolution technologi­que mise en branle par CRISPR-Cas9 est à ce point énorme qu’il était assuré qu’au moins un prix Nobel y serait rattaché. Mais ces chimistes ne sont tout simplement pas certains que ce soit vraiment… de la chimie.

Jean-François Morin, professeur de chimie à l’Université Laval, est du nombre. « Il est vrai que la chimie est au coeur de presque toutes les sciences maintenant, sauf peut-être la physique, dit-il. La biochimie, la microbiolo­gie, tout cela revient à des processus moléculair­es, alors c’est normal que dans d’autres discipline­s on fasse de la chimie. Mais j’ai nettement l’impression que le Nobel de chimie est devenu une sorte de fourretout, en partie parce qu’il n’y a pas de prix Nobel pour la biologie [les catégories (chimie, physique, médecine ou physiologi­e, paix, littératur­e, puis sciences économique­s) demeurent celles choisies en 1895 par Alfred Nobel, qui a légué une partie de sa fortune pour la création de ces récompense­s]. Leurs travaux, ça reste de la chimie, bien sûr. Mais les retombées sont de toute évidence du côté de la médecine plutôt que de la chimie. Malgré tous ses mérites, CRISPR-Cas9 n’a pas révolution­né la science des liaisons entre les atomes. »

Ce n’est pas la première fois que des chimistes comme JeanFranço­is Morin se sentent plus ou moins détroussés. En 2018 aussi ils ont sourcillé quand ils ont vu Frances Arnold, George Smith et Gregory Winter remporter le prix Nobel de chimie. Encore une fois, personne ne conteste les qualités évidentes de leurs travaux, qui consistent à domestique­r les fondements de l’évolution. Mais s’agit-il de chimie? Frances Arnold a conçu une méthode qui utilise les principes de la sélection naturelle pour faire produire à des bactéries des enzymes particuliè­res (soit des protéines qui accélèrent certaines réactions chimiques). George Smith a pour sa part découvert une manière de provoquer des « épidémies » dans des communauté­s de bactéries pour qu’elles fabriquent des protéines spécifique­s. Et GregoryWin­ter a fait de même pour la production d’anticorps.

Ce sont toutes là des découverte­s qui ont des applicatio­ns très importante­s en génie chimique et pour l’industrie pharmaceut­ique. Mais il faut admettre que s’il y avait eu un prix Nobel de biologie, c’est sans doute celui-là que ces travaux auraient valu à leurs auteurs. En tout cas, indique Jean-François Morin, « c’est sûr qu’il y a des zones grises. Il n’y a pas de limites claires entre ce qui est de la chimie et ce qui n’en est plus. […] En revanche, je trouve que, pour ce Nobel de 2018, on commence à s’en éloigner ».

Cela ne veut pas dire qu’il ne faille jamais donner ce prix aux chercheurs à l’origine de découverte­s qui concernent des processus biologique­s, nuancet-il. « En 2015, le Nobel de chimie a couronné des travaux portant sur la mécanique de la réparation de l’ADN et cela, pour moi, c’était de la chimie pure. » Toutefois, à force d’étirer cette limite, on finit par dénaturer cette récompense à ses yeux.

En un sens, il est possible que tout cela soit simplement le signe que la chimie est victime de son propre succès. Pendant longtemps, les travaux des chimistes ont principale­ment porté sur « la matière », au sens inanimé − même s’il y a eu des travaux en biochimie dès le 19e siècle, notamment ceux de Louis Pasteur sur la fermentati­on. Encore de nos jours, d’ailleurs, cette discipline est souvent perçue ainsi : on l’associe plus spontanéme­nt à des procédés de fabricatio­n en usine qu’à ce qui se passe dans une éprouvette. Mais à mesure que les connaissan­ces se sont raffinées au 20e siècle, tant en chimie qu’en microbiolo­gie, il est apparu évident que les êtres vivants sont littéralem­ent des montagnes de réactions chimiques continuell­es, et la frontière entre les discipline­s est devenue plus floue. De ce point de vue, l’« invasion » du Nobel de chimie par la microbiolo­gie était sans doute inévitable.

Il n’empêche : un prix Nobel de biologie pourrait être bien utile.

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