Une vraie grippe d’homme
Il y a maintenant un an que le SRAS- CoV-2 fait la pluie − surtout − et le beau temps dans nos vies. Même si nous n’avons pas totalement pris le dessus sur le virus, nous avons beaucoup appris ! Nous anticipons les complications de la maladie, traitons mieux ses formes critiques, sans parler des nombreux vaccins. Nous avons aussi mis le doigt sur ce qui prédispose à une infection grave comme l’âge, le diabète ou l’obésité. Mais un autre facteur de risque important présent chez la moitié de la population a aussi été désigné : le fait d’être un homme.
Il y aurait donc un « sexe faible » face à la COVID-19. En effet, les hommes ont deux fois plus de risques de souffrir d’une forme grave de la maladie ou d’en mourir que les femmes, peu importe nd leur tranche d’âge ou leurs problèmes de santé. On avait remarqué la même tendance avec le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). On est loin de la fameuse « grippe d’homme ».
Relativement à la COVID-19 − ou à toute forme d’infection en fait −, la différence entre les sexes est bien réelle. Nous savons depuis plusieurs années que les hommes atteints d’influenza sont malades plus longtemps et répondent en général moins bien à la vaccination. Plus récemment, la revue Nature s’est penchée sur ce phénomène afin de comprendre pourquoi les hommes sont plus vulnérables dans le contexte particulier de la pandémie actuelle.
Initialement, des chercheurs ont avancé que cette disparité était liée au fait que les hommes sont en général plus enclins à prendre des risques que les femmes. Ils auraient donc été davantage tentés de participer à des activités de groupe ou encore à faire fi des recommandations de la santé publique quant au port du masque ou au lavage des mains. Or, comme le taux d’infection est similaire entre les sexes − ce sont seulement les taux de cas graves et de décès qui diffèrent −, les chercheurs ont dû regarder ailleurs.
La réponse se situerait plutôt sur le plan biologique, plus précisément du côté de l’inflammation. Les hommes fabriquent davantage de cytokines, de petites protéines qui alertent les cellules du système immunitaire lorsque vient le temps de se défendre contre un intrus. Le problème survient quand les cytokines sont en trop grand nombre − ce qu’on appelle une « tempête inflammatoire » − et entraînent une violente attaque du système immunitaire au détriment de son hôte. Autre fait à noter, certains sujets masculins auraient moins de lymphocytes T que leurs consoeurs. Or, ce type de globule blanc est crucial pour la lutte contre les pathogènes.
J’ajouterais qu’il n’y a pas qu’à l’échelon biologique que les hommes sont défavorisés au regard de la COVID-19. Un reportage fascinant du WashingtonPost publié en novembre dernier explique que le confinement a causé une « crise de l’amitié » masculine : les hommes ont, en général, des interactions avec leurs amis centrées sur une activité, comme un sport ou un jeu vidéo, où la discussion et le partage des émotions peuvent être relégués au second plan. Ils ont également en moyenne moins d’amis à l’âge adulte que les femmes. Pourquoi ? Nous vivons dans une culture où l’intimité entre hommes est dévalorisée, voire découragée. Ainsi, pour plusieurs d’entre eux, c’était au « bureau » qu’ils faisaient le plein de contacts sociaux, stratégie qui a volé en éclats avec l’explosion du télétravail.
Pour compléter ce triste tableau, les hommes sont probablement moins disposés que les femmes à admettre qu’ils se sentent seuls et à aller chercher de l’aide, encore un résultat des construits sociaux bien ancrés. Un homme, un vrai, c’est fort et ça s’arrange tout seul. Comme quoi certaines idées − parfois bien plus que les cytokines − contribuent malheureusement à cette « tempête parfaite »…