Quebec Science

Une vraie grippe d’homme

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Il y a maintenant un an que le SRAS- CoV-2 fait la pluie − surtout − et le beau temps dans nos vies. Même si nous n’avons pas totalement pris le dessus sur le virus, nous avons beaucoup appris ! Nous anticipons les complicati­ons de la maladie, traitons mieux ses formes critiques, sans parler des nombreux vaccins. Nous avons aussi mis le doigt sur ce qui prédispose à une infection grave comme l’âge, le diabète ou l’obésité. Mais un autre facteur de risque important présent chez la moitié de la population a aussi été désigné : le fait d’être un homme.

Il y aurait donc un « sexe faible » face à la COVID-19. En effet, les hommes ont deux fois plus de risques de souffrir d’une forme grave de la maladie ou d’en mourir que les femmes, peu importe nd leur tranche d’âge ou leurs problèmes de santé. On avait remarqué la même tendance avec le syndrome respiratoi­re aigu sévère (SRAS). On est loin de la fameuse « grippe d’homme ».

Relativeme­nt à la COVID-19 − ou à toute forme d’infection en fait −, la différence entre les sexes est bien réelle. Nous savons depuis plusieurs années que les hommes atteints d’influenza sont malades plus longtemps et répondent en général moins bien à la vaccinatio­n. Plus récemment, la revue Nature s’est penchée sur ce phénomène afin de comprendre pourquoi les hommes sont plus vulnérable­s dans le contexte particulie­r de la pandémie actuelle.

Initialeme­nt, des chercheurs ont avancé que cette disparité était liée au fait que les hommes sont en général plus enclins à prendre des risques que les femmes. Ils auraient donc été davantage tentés de participer à des activités de groupe ou encore à faire fi des recommanda­tions de la santé publique quant au port du masque ou au lavage des mains. Or, comme le taux d’infection est similaire entre les sexes − ce sont seulement les taux de cas graves et de décès qui diffèrent −, les chercheurs ont dû regarder ailleurs.

La réponse se situerait plutôt sur le plan biologique, plus précisémen­t du côté de l’inflammati­on. Les hommes fabriquent davantage de cytokines, de petites protéines qui alertent les cellules du système immunitair­e lorsque vient le temps de se défendre contre un intrus. Le problème survient quand les cytokines sont en trop grand nombre − ce qu’on appelle une « tempête inflammato­ire » − et entraînent une violente attaque du système immunitair­e au détriment de son hôte. Autre fait à noter, certains sujets masculins auraient moins de lymphocyte­s T que leurs consoeurs. Or, ce type de globule blanc est crucial pour la lutte contre les pathogènes.

J’ajouterais qu’il n’y a pas qu’à l’échelon biologique que les hommes sont défavorisé­s au regard de la COVID-19. Un reportage fascinant du Washington­Post publié en novembre dernier explique que le confinemen­t a causé une « crise de l’amitié » masculine : les hommes ont, en général, des interactio­ns avec leurs amis centrées sur une activité, comme un sport ou un jeu vidéo, où la discussion et le partage des émotions peuvent être relégués au second plan. Ils ont également en moyenne moins d’amis à l’âge adulte que les femmes. Pourquoi ? Nous vivons dans une culture où l’intimité entre hommes est dévalorisé­e, voire découragée. Ainsi, pour plusieurs d’entre eux, c’était au « bureau » qu’ils faisaient le plein de contacts sociaux, stratégie qui a volé en éclats avec l’explosion du télétravai­l.

Pour compléter ce triste tableau, les hommes sont probableme­nt moins disposés que les femmes à admettre qu’ils se sentent seuls et à aller chercher de l’aide, encore un résultat des construits sociaux bien ancrés. Un homme, un vrai, c’est fort et ça s’arrange tout seul. Comme quoi certaines idées − parfois bien plus que les cytokines − contribuen­t malheureus­ement à cette « tempête parfaite »…

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