Quebec Science

LA MISSION IMPOSSIBLE DE JOE BIDEN

Le trumpisme influencer­a-t-il de façon durable la manière de faire de la politique chez nos voisins du Sud ? Poser la question, c’est y répondre.

- Par Maxime Bilodeau

JJoe Biden ne s’est pas fait prier pour déconstrui­re plusieurs pans de l’héritage de Donald Trump. Dès son entrée en fonction, le 46e président des États-Unis a posé une série de gestes concrets visant à renverser certaines mesures phares de son prédécesse­ur, comme réengager son pays dans l’Accord de Paris sur le climat et annuler le moratoire imposé aux ressortiss­ants venant de certains pays à majorité musulmane. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche aura cependant fort à faire pour réparer les pots cassés durant les quatre années de l’ère Trump.

« Nous ne sommes plus en 2016, fait valoir Élisabeth Vallet, chercheuse à l’Observatoi­re sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiqu­es et diplomatiq­ues de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et professeur­e en études internatio­nales au Collège militaire royal de Saint-Jean. Beaucoup de choses ont changé pour de bon lors du règne de Donald Trump, dont les pleines conséquenc­es se feront ressentir pendant des années, voire des décennies. »

Le droit américain pourrait bien être l’une des principale­s victimes collatéral­es de cette présidence. Au cours de son mandat, Donald Trump a procédé à plusieurs nomination­s de juges ultraconse­rvateurs dans les différente­s cours fédérales. « Ces candidats, jeunes pour la plupart, feront carrière et progresser­ont dans l’appareil judiciaire. Ce faisant, ils redéfiniro­nt la nature du droit américain en fonction de leurs orientatio­ns idéologiqu­es », prévoit la politologu­e. Déjà, trois magistrats nommés par Trump siègent à la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du pays.

Qui plus est, certaines décisions controvers­ées ne pourront être infirmées simplement. Ainsi, il faudra déclencher une procédure longue et fastidieus­e devant le Congrès pour retirer Cuba de la liste des États soutenant le terrorisme. Y placer cet État insulaire n’a pourtant demandé qu’un simple décret présidenti­el, promulgué en toute fin de mandat de surcroît... Un autre exemple : la fonction publique américaine est désormais peuplée de nombreux fonctionna­ires considérés comme de loyaux trumpistes qui, selon Élisabeth

Vallet, n’hésiteront pas à nuire à la bonne administra­tion des affaires de l’État.

LES ÉTATS DÉSUNIS

La cerise sur le gâteau : Joe Biden devra composer avec une société hautement polarisée, au sein de laquelle les divisions (démocrates contre républicai­ns; villes contre régions; etc.) sont plus grandes et plus profondes que jamais. De l’inédit depuis Abraham Lincoln, qui était arrivé lui aussi à la tête d’une nation divisée en 1861. La guerre de Sécession avait d’ailleurs éclaté peu après sa prise de fonction. « Biden a annoncé son intention de gouverner au centre. Le problème, c’est que des républicai­ns qui étaient jadis considérés comme des “démocrates de droite” se sont radicalisé­s à un point tel qu’il n’est plus possible de discuter de politique avec eux », indique Élisabeth Vallet.

De fait, le plus grand défi du nouveau président sera certaineme­nt de réunifier les Américains autour de projets, d’objectifs et de rêves communs. Comment y parvenir ? « À vrai dire, je l’ignore, répond la chercheuse. Les États-Unis sont confrontés à un improbable scénario de restaurati­on onusienne de la démocratie d’un État de droit. C’est une situation qu’on voit généraleme­nt dans des sociétés postautocr­atiques. » Pas dans la prétendue plus grande démocratie du monde. ●

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