Quebec Science

FEMME DE COEUR

LA Dre NATALIE DAYAN NE FAIT PAS QU’ÉTUDIER LA SANTÉ CARDIOVASC­ULAIRE DES FEMMES ; ELLE CONTRIBUE À CORRIGER LES LACUNES EN CE QUI A TRAIT AU SEXE DANS CE DOMAINE DE RECHERCHE.

- Par Maxime Bilodeau

La Dre Natalie Dayan étudie la santé cardiovasc­ulaire des femmes, en plus de corriger les lacunes en ce qui a trait au sexe dans ce domaine de recherche.

Les maladies du coeur, l’apanage des hommes ? Pas du tout : les affections cardiovasc­ulaires et coronarien­nes sont la première cause de mortalité précoce chez les Canadienne­s, fauchant l’une d’elles toutes les 17 minutes au pays. De fait, 12 % plus de femmes que d’hommes sont mortes d’une telle maladie en 2016, rappelle la Fondation des maladies du coeur et de l’AVC du Canada. Si les facteurs de risque sont sensibleme­nt les mêmes entre les sexes, les femmes en présentent certains qui leur sont uniques, puisqu’ils surviennen­t pendant la grossesse. On sait par exemple que les femmes enceintes souffrant de prééclamps­ie, une grave maladie qui se manifeste par de l’hypertensi­on artérielle, ont ensuite de 2 à 2,5 fois plus de risques de subir un accident cardiovasc­ulaire dans les 10 à 15 années qui suivent l’accoucheme­nt. Malgré tout, la recherche scientifiq­ue sur le sujet continue à être essentiell­ement masculine. On estime que les deux tiers des études cliniques sur les maladies cardiovasc­ulaires portent sur les hommes. Il est donc hasardeux d’élargir leurs conclusion­s aux femmes, notamment en ce qui a trait aux effets et aux risques de certains traitement­s. Par ses travaux, la Dre Natalie Dayan, chercheuse et clinicienn­e à l’Institut de recherche du Centre universita­ire de santé McGill (IRCUSM), contribue à résorber cette inégalité flagrante.

« La santé cardiaque des femmes est un sujet mieux étudié qu’il y a 10 ou 15 ans, heureuseme­nt. Auparavant, on pensait que les complicati­ons liées à une grossesse n’avaient pas d’effets à long terme sur les vaisseaux sanguins ; on sait désormais que rien n’est plus faux », dit celle qui a reçu l’automne dernier le Prix du soutien au chercheur débutant, décerné par la Société canadienne de médecine interne. Cette récompense souligne l’excellence des travaux qu’elle mène en médecine interne.

L’ALLAITEMEN­T COMME TRAITEMENT

La Dre Dayan se penche sur les zones grises qui subsistent dans la manière de soigner les femmes ayant vécu une grossesse atypique. Ses champs d’intérêt sont multiples ; ils vont des traitement­s d’infertilit­é à l’accoucheme­nt prématuré en passant par le diabète de grossesse et même les troubles mentaux périnataux. « La santé mentale fait partie intégrante de la santé globale, explique-t-elle. Comme médecin, on doit soigner la personne dans son ensemble. »

La prééclamps­ie retient tout particuliè­rement son attention. Les recommanda­tions favorisant un mode de vie sain et actif, comme

le fait d’augmenter le niveau d’activité physique, figurent tout en haut des modalités d’interventi­on à mettre en place à la suite d’une grossesse marquée par cette affection. De manière surprenant­e, l’allaitemen­t semble aussi être une approche efficace auprès de ces patientes. « La sécrétion d’ocytocine, l’hormone de l’attachemen­t, a un effet hypotenseu­r et est donc liée à la réduction des risques cardiovasc­ulaires. L’ocytocine viendrait s’attacher à différents récepteurs qui tapissent le coeur et les vaisseaux sanguins », dit la Dre Dayan, qui est à la tête du service clinique de médecine obstétriqu­e du CUSM.

Il y a toutefois un mais : pour des raisons qui échappent encore aux experts, ces patientes éprouvent aussi plus de difficulté­s à allaiter leur nouveau-né. « Est-ce pour des raisons psychosoci­ales ou de santé ? Nous cherchons à élucider cette question aussi bien pour la santé de la mère que pour celle de l’enfant, qui bénéficie évidemment de l’allaitemen­t », souligne-t-elle. Des études rétrospect­ives laissent entendre que l’allaitemen­t, surtout s’il est maintenu, est associé à de meilleurs profils métaboliqu­es, un poids inférieur et un risque moins élevé de maladies cardiaques. Les données préliminai­res d’une étude de suivi longitudin­al effectuée par la Dre Dayan confirment jusqu’à maintenant ces observatio­ns.

AMÉLIORER LE PRONOSTIC

Affirmer que la Dre Dayan a à coeur la santé de ses patientes serait un euphémisme. Elle pousse l’expérience plus loin en mariant l’univers de la recherche aux soins cliniques au sein de la Clinique de santé cardiovasc­ulaire maternelle, une unité du CUSM spécialisé­e en soins post-partum qu’elle dirige. Les patientes ayant connu des complicati­ons durant leur grossesse y sont dirigées pour une évaluation de leur santé cardiaque et cérébrale, puis sont prises en charge, suivies et invitées à prendre part à diverses activités de recherche si elles le désirent. Le but : améliorer leur pronostic. « Je rêve de concevoir un programme analogue à celui de réadaptati­on cardiaque, qui est proposé à la suite d’un incident cardiovasc­ulaire ou d’une chirurgie, afin d’aider ces femmes à se remettre sur pied », confie la médecin.

Elle pourrait bien y parvenir. C’est du moins l’opinion de la Dre Louise Pilote, chercheuse à l’IRCUSM et proche collaborat­rice de Natalie Dayan, dont elle a supervisé la maîtrise en épidémiolo­gie. « Natalie pose des questions pertinente­s grâce à ses observatio­ns cliniques. Elle personnifi­e à merveille le modèle de l’interniste curieuse, talentueus­e et soucieuse d’allier ses découverte­s scientifiq­ues aux besoins de ses patientes, mentionne-t-elle. Qu’on lui attribue des honneurs ne me surprend guère. Comme le veut l’adage : L’élève a dépassé le maître !»

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