Technopop
On les voit partout ! Vous les connaissez, c’est certain. Ils illustrent vos sites préférés − Facebook, Airbnb, Airtable, Buffer, Slack. Dans des scènes simples et délimitées, des personnages dessinés, plats, en action, avec des bras ou des jambes souvent disproportionnés, sont très colorés et toujours heureux. Cette forme artistique a plusieurs noms : flatdesign, style d’art corporatif, Alegria, Corporate Memphis (une expression utilisée par les critiques du style). De l’extérieur, ce design apparaît des plus inoffensifs. Mais c’est peut-être bien ça l’enjeu…
L’origine de ce style demeure floue. Certains l’attribuent à Apple qui, en 2013, s’est mise à utiliser des icônes aplaties ; les autres entreprises technologiques lui ont emboîté le pas. D’autres mentionnent l’influence que Facebook a eue sur la popularité du style lorsque la compagnie a embauché, en 2017, le studio de design américain Buck pour concevoir des personnages et qu’elle les a disséminés un peu partout sur son site Web.
Les grandes entreprises technos ont donc largement adopté ce style d’illustration, et ce, pour plusieurs raisons. Ces dessins sont pratiques et modulables : on peut les décliner à l’envi sur différentes plateformes. Ils facilitent également la collaboration entre divers graphistes, ce qui permet une économie de coûts et des délais de production plus courts. Et l’on sait à quel point les jeunes pousses aiment lorsque ça va vite !
Si ces dernières affectionnent tant ces personnages, c’est aussi parce qu’ils incarneraient une solution à un défi épineux : celui de représenter la diversité sans s’encombrer de la complexité humaine. Avez-vous remarqué que ces personnages ultrajoyeux ont la peau bleue et des corps non humains ? En ne ciblant personne, on cible tout le monde, n’est-ce pas ? Avec sa palette de couleurs limitée et son extrême simplicité, le style d’art corporatif offre plutôt une vision réductrice du monde. Alors que l’industrie est critiquée pour l’homogénéité de ses dirigeants, elle pourrait faire mieux.