Les questions de Rémi Quirion
SCIENTIFIQUE EN CHEF DU QUÉBEC**
RQ Quels conseils donneriez-vous un ou une jeune médecin qui souhaite se lancer en recherche ?
ND : Tout d’abord, je dirais à tout jeune clinicien que ce ne sera pas facile au départ, mais que ce choix de carrière en vaut la peine. L’idéal est d’aligner son travail clinique sur sa recherche, car les deux se nourrissent. Ensuite, il est essentiel de s’appuyer sur un mentor, idéalement une personne expérimentée qui n’est pas directement partie prenante de son travail. Enfin, la gestion du temps est très importante. Par exemple, depuis peu, je planifie une « journée d’écriture » par semaine, généralement le lundi, et je refuse les réunions ce jour-là. Je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt !
RQ : Selon vous, la recherche est-elle suffisamment proche des besoins des patients ?
ND : J’observe des progrès. Les organismes subventionnaires et les établissements de recherche encouragent le transfert des connaissances du laboratoire au chevet du malade, ainsi que la collaboration avec des patients partenaires. Je me fais un devoir d’intégrer des patientes à l’élaboration de mes études pour m’assurer de prendre en compte la vision et la réalité des femmes.
RQ : Pourquoi les deux tiers des études cliniques sur les maladies cardiovasculaires portent-elles sur des hommes ?
ND : Il est important de rappeler que les maladies cardiaques sont plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes à tous les âges. Cela peut expliquer pourquoi l’accent a été mis davantage sur les hommes. Il peut également y avoir des préjugés sexistes à plusieurs échelons, notamment parmi les scientifiques qui conçoivent les études et chez les cliniciens qui traitent les symptômes cardiaques des hommes différemment de ceux des femmes. Nous savons maintenant que les maladies cardiaques peuvent se manifester autrement chez les femmes, que certains facteurs de risque leur sont uniques et que les effets des traitements peuvent aussi différer. C’est pourquoi il est essentiel d’étudier les hommes et les femmes dans des proportions égales. On remarque un plus grand nombre d’études qui incluent un échantillon paritaire et qui stratifient les résultats selon le sexe. Cependant, une chose ne change pas, malheureusement : la façon dont la recherche traite les femmes enceintes et allaitantes. Généralement, elles sont exclues des essais de médicaments importants, ce qui fait que nous ne disposons d’aucune donnée pour prendre de meilleures décisions cliniques à leur égard. Les vaccins contre la COVID-19 en sont un bon exemple. Il faut que cela change.