Maîtres du ciel
Capables de prouesses aériennes et athlétiques, les oiseaux fascinent et inspirent les humains − et les scientifiques en particulier − depuis toujours. Et l’on rivalise d’ingéniosité pour les étudier !
Capables de prouesses aériennes et athlétiques, les oiseaux fascinent et inspirent les humains − et les chercheurs en particulier − depuis toujours.
Infatigables flamants roses ?
Essayez de rester en équilibre sur un pied et vous ressentirez rapidement une fatigue dans la jambe active. Les flamants roses n’ont pas ce problème : ils peuvent dormir dans cette position pendant plusieurs heures. Ils peuvent même rester debout quand ils sont… morts. C’est ce qu’ont découvert en 2017 des chercheurs en biomécanique du Georgia Institute of Technology, qui voulaient savoir si cette position improbable requérait ou non un effort musculaire. Deux cadavres de flamants récupérés au zoo d’Atlanta ont suffi à démontrer la chose : ils tenaient debout ! La stabilité de l’oiseau est due à l’alignement de ses articulations et aux os de sa patte, qui dessinent un solide T maintenant l’ensemble en équilibre. Ce qui permet de conclure, indirectement, que l’animal n’alterne pas entre pied gauche et pied droit pour se reposer, mais plutôt qu’il garde une patte hors de l’eau pour éviter de perdre trop de chaleur.
170 km
C’est la distance que peut parcourir le condor des Andes en planant pendant cinq heures environ. Cet énorme vautour − de 8 à 15 kg pour trois mètres d’envergure − ne bat en fait des ailes que durant un pour cent de son temps dans les airs. C’est ce qu’ont estimé en 2020 des chercheurs argentins grâce à des appareils « faits maison » qui ont enregistré leurs mouvements en vol. Pour les gros oiseaux, le coût énergétique du battement d’ailes est considérable, « 30 fois plus élevé que le métabolisme au repos », selon les auteurs. Dès leur plus jeune âge, les lourds condors se laissent donc porter par les courants d’air chaud pour économiser leurs forces.
ATLAS GÉNÉTIQUE
Ce sont 363 espèces d’oiseaux qui ont désormais livré leur génome à la science, dont 267 pour la première fois dans le cadre du projet international B10K (Bird 10 000 Genomes Project). Selon l’étude publiée dans
Nature fin 2020, 92 % des familles aviaires sont ainsi représentées. De quoi mieux comprendre l’évolution des oiseaux, dont les ancêtres ont émergé il y a 150 millions d’années.
Poumons de compétition
Les oiseaux sont des sources d’inspiration sans fin pour les physiciens et mathématiciens. Que ce soit pour modéliser le mouvement de leurs ailes, pour décoder les comportements de milliers d’individus volant en groupe ou pour comprendre l’aérodynamique des vols en V, les volatiles se prêtent bien au jeu des équations. Dernière modélisation en date, au printemps dernier : le flux d’air dans leurs poumons. La respiration des oiseaux est beaucoup plus efficace que la nôtre, car l’air inspiré ne croise pas l’air expiré dans les bronches, mais circule plutôt de façon unidirectionnelle. C’est grâce à cet apport constant d’oxygène qu’ils peuvent voler, activité hautement coûteuse sur le plan énergétique. Des chercheurs américains ont donc conçu des systèmes macrofluidiques inspirés des poumons aviaires, reproduisant les « boucles » qui permettent d’éviter le va-et-vient d’air. Ils ont ensuite modélisé le tout pour mieux comprendre la dynamique et concevoir, à terme, des pompes à fluides ou des ventilateurs pour les soins hospitaliers plus efficaces.
Téléréalité
Il aura fallu 2 176 micros, 12 caméras haute vitesse et des capteurs de pression braqués sur six colibris en captivité pour saisir d’où vient le bourdonnement si caractéristique de ces petits oiseaux. Dans une étude publiée en mars 2021, une équipe d’ingénieurs a ainsi dressé une carte acoustique en 3D permettant de décortiquer les changements de pression d’air causés par le battement des ailes, 40 fois par seconde, à l’origine du « hum ».
DORMIR D’UN OEIL
C’est une question qui a longtemps taraudé les biologistes : comment les oiseaux font-ils pour dormir ? En particulier ceux qui, comme la sterne arctique ou la frégate, parcourent des milliers de kilomètres au-dessus des océans sans se poser pendant plusieurs semaines ? La réponse est évidente : ils dorment en vol. Mais encore fallait-il le prouver ! Des chercheurs de l’Institut Max-Planck d’ornithologie ont donc muni une vingtaine de frégates du Pacifique demi nié lectroencép halo graphes qui allaient détecter les changements d’activité cérébrale au cours des vols pouvant durer jusqu’à 10 jours. Leurs résultats, publiés dans Nature en 2016, sont étonnants : les oiseaux ne dormaient en moyenne que 42 minutes par jour, à coups de microsiestes effectuées en planant, contre 12 heures lorsqu’ils sont sur la terre ferme. Et ils ont la capacité de dormir en se passant de la moitié de leur cerveau, l’autre hémisphère restant éveillé (et l’autre oeil ouvert), un phénomène connu sous le terme de « sommeil unihémisphérique », répandu chez les mammifères marins. Mais à la surprise des chercheurs, les frégates peuvent aussi planer avec les deux hémisphères au repos. En mode pilote automatique, quoi !
LE CIEL VU DE L’ESPACE
Mettre les astronautes à contribution pour photographier les voies empruntées par les oiseaux migrateurs : voilà l’idée derrière le projet Space for Birds, de son nom officiel AMASS (pour Avian Migration Aerial Surface Space), lancé en 2016 par la Fondation Roberta Bondar − la première astronaute canadienne − et soutenu par la NASA et l’Agence spatiale canadienne. Le but : documenter les voies migratoires de sept espèces menacées. « Les images prises de la Station spatiale internationale [SSI] et par satellite sont utilisées aux fins d’éducation du public pour illustrer l’ampleur des aires de migration aviaire, plutôt que pour des analyses quantitatives », détaille Shajini Jeganmohan, coordonnatrice de ce programme « scientifique et artistique » à la Fondation. David Saint-Jacques a grandement contribué à enrichir la collection en 2019, de la SSI. « Voir l’ampleur des migrations de l’espace, imaginer les oiseaux voler sur ces distances incroyables, c’est très inspirant », a-t-il témoigné.