EINSTEIN ET SA BOULE DE CRISTAL
Une lettre montre que le savant imaginait déjà les oiseaux comme une clé pour comprendre des phénomènes physiques.
Une lettre écrite par Albert Einstein en 1949 montre que le célèbre physicien imaginait déjà les oiseaux comme une clé pour comprendre des phénomènes physiques. C’est en regardant un reportage de la BBC sur les abeilles en 2019 qu’une certaine Judith Davys s’est rappelé l’existence d’une lettre qu’Einstein avait adressée à son défunt mari, Glyn. Dans les années 1940, ce dernier s’était intéressé aux recherches de l’éthologue Karl von Frisch portant sur la capacité d’orientation des abeilles grâce à la polarisation de la lumière du ciel.
Dans ce court message, Einstein raconte être au fait des travaux de Karl von Frisch. Surtout, il dit croire que l’analyse des perceptions animales pourrait permettre la compréhension de processus physiques encore inconnus. Il cite l’examen du comportement des oiseaux migrateurs comme un exemple prometteur.
Une intuition qui a été démontrée 70 ans plus tard! C’est en 2004 qu’une étude a prouvé pour la première fois que des grives se dirigent grâce à une forme de boussole magnétique. Une des théories pour expliquer ce phénomène provient de la biologie quantique qui, comme son nom l’indique, s’intéresse aux liens entre la mécanique quantique et la biologie.
«Cela nous montre à quel point Einstein était un chercheur exceptionnel, mentionne Adrian Dyer, le scientifique que Judith Davys a pu voir dans le reportage de la BBC. Il devait avoir réfléchi à ce problème, à ces oiseaux qui s’orientent précisément sur d’incroyables distances. Il entrevoyait le degré de difficulté de cet exploit et pressentait que l’étude de celui-ci pourrait pousser les limites de notre compréhension de la physique.» Le professeur Dyer et ses collègues ont relaté toute l’affaire dans un article du Journal of Comparative Physiology A publié en mai dernier.
Une anticipation qui n’a rien de surnaturel pour Annie Angers, professeure au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal. « Tous les scientifiques sont conscients que la nature a beaucoup à nous apprendre, cela ne me surprend donc pas qu’Einstein ait pu penser à cela. »
C’est plutôt le travail d’enquête du professeur Dyer qui l’a impressionnée. En effet, Adrian Dyer et son équipe ont dû fouiller les mémoires de la famille Davys et les archives de l’époque pour préciser l’objet de la lettre initiale de Glyn Davys (aujourd’hui introuvable) et comprendre pourquoi il avait communiqué avec Einstein en premier lieu. « J’ai trouvé le propos de M. Dyer très convaincant, déclare Annie Angers. Mais lorsqu’on lit enfin cette fameuse lettre d’Einstein, on se rend compte qu’elle ne fait que 10 lignes. Ça tombe un peu à plat ! » De quoi renforcer la réputation qu’avait ce grand esprit d’être un homme de peu de mots.