La vie en boîte
Omniprésents en ce 21e siècle, les bio-objets ont la cote : cellules souches, embryons congelés, tissus cellulaires fabriqués en laboratoire. Il ne semble pas y avoir de limites à ce qu’on peut créer dans une boîte de Pétri. N’a-t-on pas lu ou entendu qu’il est aujourd’hui possible de concevoir un humain à partir de trois génomes?
La sociologue Céline Lafontaine est fascinée par cette vie qui prolifère in vitro. Dans Bio-objets : les nouvelles frontières du vivant, elle braque les projecteurs sur l’usage, la complexité et l’existence même des produits biologiques. Ils demeurent méconnus bien qu’ils fassent les manchettes.
Son livre soulève plusieurs questions éthiques, par exemple celles liées aux embryons et ovules inutilisés qui dorment dans les banques des cliniques de fertilité. Ils pourraient servir à la recherche scientifique ou à d’autres familles. Mais « ils ne sont jamais présentés dans leur dimension matérielle économique ni en tant que ressource biomédicale », mentionne la chercheuse. N’oublions pas qu’il y a « toute une dimension affective » dans le fait de donner des embryons. « Les gens ne veulent pas les détruire », explique en entrevue la professeure de sociologie de l’Université de Montréal.
Céline Lafontaine constate ainsi que le public entretient « l’illusion d’une maîtrise du vivant plus grande qu’en réalité ». « Avec [la COVID-19] on devrait avoir compris ça. On a affaire à un virus dont on n’arrive pas à trouver l’origine ni à freiner la propagation. Ça devrait nous donner une idée de la complexité de la maîtrise du vivant, expose la sociologue. Quand on est incapable de comprendre les limites du vivant de l’humain, c’est difficile de penser les limites de la planète. »
L’universitaire souligne d’ailleurs une grande contradiction : d’un côté, la biodiversité s’éteint à petit feu et, de l’autre, le « vivant » de laboratoire connaît une croissance fulgurante. Nous méditerons encore longtemps sur ce qu’elle nomme la « face cachée de l’Anthropocène ».
Bio-objets : les nouvelles frontières du vivant, par Céline Lafontaine, Éditions du Seuil, 337 p.