Les nouveaux restos fantômes
Qui n’a pas vu sa consommation de repas livrés augmenter pendant la pandémie ? Le marché a doublé depuis l’arrivée de la COVID-19 et le chiffre d’affaires devrait atteindre plus de 10 millions de dollars en 2025, une hausse de près de 70 %, par rapport à 2021. Rien d’étonnant à cela, mais vous êtes-vous déjà demandé d’où vient votre poulet au beurre favori ? Il pourrait avoir été préparé dans un restaurant virtuel !
Il s’agit d’un établissement qui propose un menu complet, mais qui n’existe pas dans un lieu physique. Il n’a ni salle à manger ni serveurs. En général, il n’a même pas de vitrine, même s’il possède une cuisine où des chauffeurs viennent chercher les repas commandés par des clients par l’entremise d’applications de livraison comme Uber Eats. En avril 2021, le Groupe St-Hubert s’inspirait de ce concept pour lancer MALGAM La centrale bouffe : plusieurs enseignes populaires cuisinent dans un même endroit des plats destinés à être livrés à domicile ou récupérés sur place par des clients.
Pourquoi cette ruée sur la restauration virtuelle ? Parce que le modèle est hyperflexible. Le fait d’exister uniquement sur le Web signifie qu’on peut modifier le concept d’un restaurant à l’envi sans y laisser sa peau d’entrepreneur. Si un ingrédient devient trop cher ou si un produit n’est plus de saison, on peut changer la carte sans avoir à réimprimer le menu. Grosses économies ! Pas besoin de dépenser pour des décorations, de la vaisselle, de la verrerie et du mobilier, ni d’embaucher serveurs et maîtres d’hôtel. Les exploitants se concentrent seulement sur le recrutement et le maintien en poste des cuisiniers, de même que sur l’achat d’ingrédients et d’appareils de qualité.
Cela étant dit, il y a des inconvénients à ce modèle, entre autres les coûts liés à la mise en place d’un service de livraison financièrement viable. La plupart des restaurants virtuels font appel à des sous-traitants qui prélèvent de 15 à 30 % du prix de chaque commande. Les services de livraison rendent ces établissements virtuels complètement dépendants : ces derniers n’ont pas de contrôle sur leur position dans les résultats du moteur de recherche interne − à moins de payer pour, évidemment − et ils ne possèdent pas les données des clients (les noms, adresses courriel, préférences de consommation, etc.).
Il reste à voir si ces restaurants conserveront leur popularité. M’est avis que ce sera le cas : l’industrie de la restauration risque d’avoir du mal à se relever de la pandémie, laissant toute la place à ce modèle économique fantôme pour s’implanter solidement.