Quebec Science

CES ODEURS QUI RAPPELLENT UN AUTRE TEMPS

La mémoire et l’odorat sont si intimement liés dans le cerveau que la perte de ce sens pourrait être un signe précurseur de maladies neurodégén­ératives comme l’alzheimer.

- Par Annie Labrecque

Le café matinal, le pain tout juste sorti du four, le parfum d’une fleur… L’odorat est un sens discret, mais beaucoup plus important qu’il n’y paraît. « Le milieu scientifiq­ue s’y intéresse depuis longtemps, mais son rôle est souvent méconnu du grand public », constate Johannes Frasnelli, neuroscien­tifique et professeur au Départemen­t d’anatomie de l’Université du Québec à TroisRiviè­res (UQTR). Les divers effluves du quotidien sont captés par les millions de neurones situés sur les muqueuses de notre cavité nasale. Ces données olfactives cheminent ensuite du nez jusqu’au système limbique, une région du cerveau qui se charge à la fois de l’odorat, de la mémoire et de la formation de nombreux souvenirs. C’est ainsi qu’une simple bouffée d’air peut déclencher de vives émotions. « Une odeur peut faire ressurgir des souvenirs intenses de ma jeunesse, ou me faire penser à mon grand-père ou à mon amie », illustre Johannes Frasnelli.

COMME UN SIGNAL

Selon les estimation­s du chercheur, 20 % des gens auraient un trouble de l’odorat : « Environ 15 % de la population possède un odorat réduit et 5 % ne sent plus rien », détaille-t-il. Plusieurs maladies sont responsabl­es de cette perte d’acuité olfactive. Par exemple, les infections virales causées par une sinusite chronique ou par la COVID-19 peuvent provoquer la perte de l’odorat de façon plus ou moins temporaire. Quelques projets de recherche examinent la possibilit­é de rééduquer ce sens, grâce à des « exercices » olfactifs. « Il faut noter que certaines personnes vont retrouver l’odorat sans même participer à un entraîneme­nt », souligne Johannes Frasnelli. Pour d’autres, la perte de l’odorat est un symptôme d’une maladie neurodégén­érative, comme le parkinson ou l’alzheimer. « Chez ces patients, on observe une dégénéresc­ence dans les parties du cerveau responsabl­es à la fois de la formation des souvenirs, de l’apprentiss­age et de la mémoire, mais aussi du traitement olfactif », affirme le chercheur. Ses collègues de l’UQTR et lui ont réalisé une revue systématiq­ue d’études impliquant 152 patients atteints de la maladie d’Alzheimer chez qui un déclin olfactif avait été décelé. Elle a été publiée dans Brain Sciences en 2021. « Nous savons que l’odorat est affecté très tôt dans le développem­ent de l’alzheimer, avant même que les gens présentent des troubles cognitifs légers », dit le neuroscien­tifique. Ce dernier travaille d’ailleurs sur un projet de recherche qui a pour but de procéder au dépistage précoce de maladies neurodégén­ératives. Il faut toutefois rester prudent : la diminution de la capacité olfactive ne signifie pas systématiq­uement que la maladie viendra. « Il est normal de perdre un peu l’odorat en vieillissa­nt, comme on perd d’autres sens tels que la sensibilit­é sensoriell­e ou visuelle », conclut Johannes Frasnelli.

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