Les mégadonnées de votre utérus
Avec l’accroissement des applications de suivi menstruel, les données sur les règles sont de plus en plus abondantes... Et c’est tant mieux : un tel suivi aide à garder un oeil sur sa santé globale.
Mais ces données ne sont pas toujours utilisées à bon escient. « Si vous suivez vos cycles menstruels grâce à une appli, cessez de vous en servir et détruisez vos données. Maintenant », enjoignait sur Twitter l’avocate américaine Elizabeth C. McLaughlin au lendemain de la fuite d’un document révélant le renversement prochain du jugement protégeant le droit à l’avortement aux États-Unis.
L’effet potentiellement pervers de la collecte massive de ce type de données sur les droits sexuels, comme celui à l’avortement, inquiète les experts depuis de nombreuses années. Avec l’annulation de l’arrêt Roe c. Wade, la crainte que ces données puissent être employées dans des poursuites judiciaires continue de défrayer la chronique. Malgré l’anonymat qu’est censé offrir le grand volume de données, de multiples études ont prouvé qu’il est facile de combiner les sources pour retrouver à qui les données appartiennent.
La solution est-elle réellement de supprimer son application de suivi menstruel ? « Dire aux gens de ne pas utiliser ces plateformes puissantes s’ils ne veulent pas être surveillés déraisonnablement équivaut à blâmer la victime », écrivait la chroniqueuse Zeynep Tufekci dans le New York Times. Selon l’informaticienne, il est plus que temps que les pays légifèrent pour protéger les utilisateurs en imposant aux entreprises des mesures strictes de chiffrement des données.
Au Québec, la Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels doit entrer en vigueur cet automne. Elle encadrera la collecte de données par les entreprises opérant dans la province.
Mais si c’est de l’État qu’on souhaite se protéger ? Pour le moment, c’est à nous de connaître et de choisir les outils qui respectent la vie privée. Pour le suivi menstruel, les applications Drip, Euki et Periodical reçoivent l’aval d’experts.
Il faudra beaucoup plus pour assurer aux internautes un respect de leur vie privée sur le Web. Leur santé en dépend.