Quebec Science

DES CHERCHEURS QUI N’ONT PAS À PUBLIER

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En recherche, on dit souvent que les scientifiq­ues doivent « publier ou périr ». En effet, ils subissent une forte pression pour diffuser leurs travaux dans des revues prestigieu­ses, à défaut de quoi leur financemen­t et leur statut profession­nel seront en jeu.

Ce n’est pas le cas pour les chercheurs du Centre de recherches de Valcartier. La publicatio­n n’est pas pour autant interdite. Quand une étude n’est pas jugée « sensible », elle peut être diffusée dans les revues savantes ou communiqué­e dans les congrès. « On va dans les conférence­s de l’Optical Society, par exemple, cite le scientifiq­ue en chef de l’établissem­ent, Bruno Gilbert. Mais si on vient de faire une découverte, on ne va peut-être pas en parler... »

La rigueur scientifiq­ue demeure de mise. Les travaux trop secrets pour être publiés sont quand même soumis à un processus interne de révision par les pairs afin qu’on s’assure de la validité des résultats.

un agent biologique à distance, qu’il s’agisse de virus, de bactéries, de champignon­s ou de toxines. « On a tous été confinés en 2020 en raison d’une menace de nature biologique [le virus de la COVID-19], mais on pourrait aussi être confrontés à ce type de menace à la suite d’une disséminat­ion intentionn­elle ou accidentel­le. »

Pour déceler ces aérosols, le camion réunit des technologi­es dites « de détection en retrait ». « On ne veut aucun contact entre le détecteur et la menace, explique la chercheuse. Pas besoin, donc, de s’habiller avec la combinaiso­n de protection CBRN [chimique, biologique, radiologiq­ue et nucléaire] pour avoir l’informatio­n recherchée », et cela accélère le temps de réponse.

Mais comment repérer de loin ce qui est microscopi­que ? L’équipe détermine d’abord une zone de surveillan­ce. Un système lidar infrarouge balaie cette zone à la recherche d’un nuage d’aérosols. S’il en trouve un, le système envoie des impulsions laser ultraviole­ttes (UV) là où le nuage a la concentrat­ion la plus élevée. «On exploite une caractéris­tique du matériel biologique : quand une substance biologique est excitée par des UV, de la fluorescen­ce est émise. » Le système lidar collecte cette fluorescen­ce, ce qui permet de faire la classifica­tion du nuage détecté.

L’équipe utilise des éléments inoffensif­s afin de mettre au défi ses systèmes, y compris des virus et des bactéries non dangereuse­s et du blanc d’oeuf, qui joue parfaiteme­nt le rôle d’une vilaine toxine. « On va dans le champ tester tout ça. On met au défi les technologi­es et on améliore le tout, que ce soit du côté logiciel ou matériel. » En espérant qu’ils ne trouveront jamais un vrai nuage pathogène…

JAMBE EN GÉLATINE

Bruno Gilbert m’entraîne de l’autre côté de la rue, sur la base militaire, pour atteindre un immense garage aux stores baissés. On doit y retrouver l’équipe de Protection et effets d’armes. « Ces gens-là ont fait exploser tous les véhicules des Forces armées canadienne­s », assure-t-il.

Des mannequins attendent d’être exposés aux différents risques qui planent sur les militaires en zone de guerre. Aujourd’hui, pas d’explosion au programme. L’équipe s’est plutôt payé ma tête en me faisant enfiler une combinaiso­n militaire, l’objectif officiel étant de me faire ressentir le poids écrasant de l’équipement du soldat type sur le terrain, qui représente en soi un risque de blessure.

Les chercheurs développen­t eux-mêmes leurs protocoles de test selon les nouvelles réalités du terrain. En Afghanista­n, les engins explosifs improvisés parsemés sur les routes ont modifié le risque associé à la circulatio­n des véhicules blindés. Pour simuler les effets de l’explosion d’un tel engin sous un véhicule, ils ont installé dans leur laboratoir­e une grande « tour de chute ». Ce type d’équipement sert normalemen­t à évaluer l’effet d’une chute sur un mannequin. Quel lien avec une charge explosive enfouie ? « La chute vers le bas permet de générer des forces vers le haut lors de la décélérati­on du mannequin, et elles sont représenta­tives de certains types de forces observées lors d’une explosion sous un véhicule. C’est un peu contre-intuitif, je l’avoue, mais les deux génèrent des accélérati­ons verticales vers le haut», indique un ingénieur de l’équipe, Robert Durocher.

Pour que ces simulation­s soient valides, il faut des mannequins encore plus précis que les modèles commerciau­x de base. Sur une table, un cerveau en gelée rose donne le ton. Une colonne vertébrale conçue avec des matériaux « biofidèles » et munie de capteurs est également mise au point, et on me parle d’une jambe en gélatine. Le groupe n’a qu’à contacter la section Prototypag­e du Centre pour que les pièces deviennent réalité.

L’équipe a aussi accès à un corridor balistique de 220 mètres de long pour étudier le comporteme­nt des balles en vol et à des sites extérieurs pour reproduire une explosion en toute sécurité. Elle teste actuelleme­nt différents modèles de gilets pare-balles qui seraient plus confortabl­es pour les femmes. « Est-ce le même niveau de protection ? Y a-t-il un risque de ricochet ? » demande le responsabl­e du groupe de recherche, Simon Ouellet. Les réponses qu’ils trouveront influeront sur le choix de l’équipement.

Son équipe analyse également de véritables cas. « Quand un décès survient dans le théâtre des opérations, on rapporte l’équipement et on voit ce qui n’a pas marché », dit Simon Ouellet. Un rappel de la dure réalité de la guerre, loin des laboratoir­es.

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Caroline Turcotte montre des photos de zones nordiques où un système d’imagerie hyperspect­rale a été testé.
IMAGES OU PHOTOS : XXXXXXXXXX­XXX | QUÉBEC SCIENCE Jean Dumas connaît le motif DCamC dans ses moindres détails. Caroline Turcotte montre des photos de zones nordiques où un système d’imagerie hyperspect­rale a été testé.
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Des chercheurs du Centre de recherches de Valcartier utilisent et fabriquent des modèles biofidèles de parties du corps humain.
Ce camion est équipé de technologi­es de détection de menaces biologique­s à distance. Des chercheurs du Centre de recherches de Valcartier utilisent et fabriquent des modèles biofidèles de parties du corps humain.

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